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Yaoi Generation 2023

[English below the poster]

Bonjour à tous !

Je vous annonce que je serai présente à la Yaoi Generation le samedi 7 octobre au Casino de Montbenon à Lausanne. Si vous êtes dans le coin, passez me voir^^

L'écrivain Emma B. Thyste sera présente à la convention Yaoi Generation 2023 à Lausanne le samedi 7 octobre 2023.

 

Hi everyone!

I have the pleasure to tell you that I will be at the Yaoi Generation convention the Saturday 7th of October at the Casino de Montbenon (Lausanne, Switzerland). Come and say hi if you’re around^^

Yaoi Generation !!!

Bonjour à tous! Je vais participer à la Yaoi Generation qui a lieu à Lausanne le 21 octobre! J’aurai une table d’artiste avec l’extrait de mon prochain livre, en français et en anglais! Je me réjouis d’y être!

Hello everyone! I will participate to the Yaoi Generation in Lausanne the 21st October! I will have a stand all by myself with the teaser of my next book, in French and in English! I’m looking forward to be there!

 

Under la cathé 7

-À qui le tour ce soir?

 

Je relevai la tête de mon vocabulaire d’allemand et surpris six regards remplis d’espoir posés sur moi. Je fronçai les sourcils.

 

-Quoi ? lâchai-je.

 

-Ben, commença ma sœur, perso je m’étais dit, vu que t’as pas de projets…

 

-Parce que vous en avez ? m’étonnai-je.

 

– Ta mère et moi avons prévu d’aller au cinéma, s’empressa de dire mon père. On a réservé les tickets sur internet.

 

Il aurait dit « pas moi !», que l’effet aurait été le même. Ma mère hocha la tête avec véhémence pour l’appuyer.

 

– Et moi j’ai des révisions pour l’uni, lâcha ma sœur.

 

-J’ai l’air de jouer à la Xbox ? m’agaçai-je en agitant mon livre de voc.

 

-Oui, mais j’ai loupé un cours et j’ai une tonne de lectures à rattraper.

 

Encore l’éternel conflit entre aîné et cadet. Peu importe la quantité de devoirs que j’avais à l’école, les siens étaient plus importants puisqu’elle était au gymnase. À présent que j’étais au gymnase, j’aurais pu espérer que mon travail égalerait plus ou au moins le sien -mais non. Apparemment l’université c’était bien plus énorme que mes misérables dissertations et autres TP de physique…

 

Je soupirai. Il ne restait plus que mon petit frère, mes grands-parents et ma pomme. Autrement dit, j’allais devoir m’y coller : mon cadet ne voyait Armelin qu’en présence de papa (parce qu’il était trop jeune pour sortir seul tard le soir) et quel petit-fils étais-je pour faire crapahuter deux soixantenaires dehors, par une froide nuit d’automne ?

 

-OK je m’en charge.

 

Leur soulagement fut presque tangible. Je me retins de lever les yeux au ciel, on aurait dit qu’ils avaient tous comploté pour me refiler la patate chaude. J’en eus vraiment marre cette fois-ci. J’étais fatigué, vermoulu et je n’avais vraiment aucune envie de passer toute la nuit dans les sous-sols de la cathé, assis sur une pierre glacée et poussiéreuse en attendant que mon ancêtre revienne les bras chargés de cadavres. C’était la première fois que cette tâche me paraissait vraiment être une corvée.

 

Je me levai et sortis sans les saluer.

 

Je montai dans ma chambre et vidai mon sac d’école sur mon lit. J’y mis ma lampe de poche, une bouteille d’eau et mon porte-monnaie puis ajoutai quelques chaufferettes et des gants au cas où il ferait plus froid que d’habitude. Je m’emmitouflai dans une grosse écharpe, mis un manteau et un bonnet et sortis en moins de temps qu’il ne faut pour dire “vampire “.

 

Je devais prendre deux bus pour rejoindre la cathédrale depuis chez moi. Dire que les autres jeunes de mon âge s’éclataient en ce moment même dans des boîtes où ils n’avaient pas le droit d’aller et moi je n’avais rien d’autre à faire un vendredi soir que de m’occuper d’un vieux parent au sang froid. Quelle barbe.

 

Je fermai les paupières et m’obligeai à arrêter de râler. Passer du temps avec Armelin était agréable, je lui avais toujours rendu service avec plaisir…

 

Le trajet se déroula dans le calme ; à part un fêtard et deux de ses potes qui me proposèrent de la vodka-Redbull tandis que j’attendais à un arrêt, je n’eus aucun ennui. En arrivant à la cathédrale, je sortis le double de la clé et m’introduisis par la porte de derrière. Je refermai derrière moi et longeai le bord jusqu’à la grille menant aux entrailles de l’édifice.

 

Une fois en bas, je me posai par terre et attendis.

 

Armelin ouvrit le couvercle de son cercueil et se redressa en position assise. Il me regarda longuement.

 

-Bonsoir Camille.

 

-Bonsoir Armelin.

 

Il se leva gracieusement et lissa les plis de sa manche. Il sortit de sa boîte en enjambant le bord et enfila ses chaussures vernies.

 

-Comment vas-tu? s’enquit-il.

 

-Bien, mentis-je.

 

Il boutonna son col.

 

-Vraiment? fit-il d’un ton sceptique. Sans vouloir te vexer, tu es pâle comme de la faïence et tu as de plus grands cernes que moi -pourtant, je suis mort.

 

Je me passai la main dans les cheveux, soupirant.

 

-Je dors mal ces derniers temps. J’ai l’impression de ne pas me reposer, pourtant je vais me coucher à 21 heures. Et je ne me lève pas tôt.

 

-Je vois. Je sais que le sommeil est très important pour les humains, vous avez besoin de vous reposer énormément. (Il décrocha son manteau du clou où il était suspendu et le tapota pour en ôter la poussière avant de l’enfiler.) Si tu le désires, tu peux occuper mon lit.

 

Il me l’avait déjà proposé il y a quelques mois. Mais bizarrement, autant sa proposition m’avait paru saugrenue à l’époque, autant elle me tentait à présent.

 

-Je ne sais pas si j’ose… Ça me gêne…

 

-Ne fais pas tant de manières. Si c’est son aspect qui te rebute, ferme les yeux et imagine-toi dans ton lit.

 

Mon cauchemar me revint en mémoire. Cette sensation d’étouffement, d’isolement et d’oppression me prit à la gorge, je portai instinctivement ma main à mon cou.

 

-D’accord, j’accepte. Mais enlève le couvercle, s’il-te-plaît.

 

Il me sembla que mon arrière-grand-oncle se retenait d’esquisser un sourire. Il acquiesça et s’accroupit pour ôter puis poser le couvercle de son cercueil contre le mur plus loin.

 

-Voilà. J’espère que tu y seras confortable. (Je m’avançai précautionneusement de la boîte, ayant tout de même quelques réserves.) Par contre, je te demanderai d’ôter tes chaussures avant d’y entrer…

 

-Je peux garder ma veste ? demandai-je. Il fait un peu froid pour rester en t-shirt.

 

-Oui. Je n’ai juste pas envie que l’intérieur se salisse. Ce satin est très difficile à ravoir, et ce n’est pas comme si je pouvais le faire nettoyer dans un pressing.

 

-D’accord, pas de soucis.

 

Je délaçai mes baskets et les enlevai l’une après l’autre pour entrer dans le cercueil. J’hésitai un instant puis m’assis dedans. Je n’avais jamais réalisé à quel point ce truc était étroit… Je ne pouvais pas bouger énormément les jambes, et j’imaginai qu’Armelin ne pouvait pas se tourner sur le côté une fois le couvercle refermé.

 

-Hé bien je te souhaite une bonne nuit, fit-il en boutonnant son manteau.

 

-À toi aussi.

 

Il sortit non sans m’adresser un bref hochement de tête au préalable. J’attendis une minute avant de m’allonger, soupirant.

 

Me voilà allongé dans le cercueil de mon grand-grand-grand-papy pour piquer un petit roupillon ! Ma soirée n’avait pas pris la tournure que j’imaginai.

 

 

 

-Camille?

 

Une main se posa doucement sur mon bras et me secoua gentiment.

 

-Camille. Il faut te réveiller, c’est bientôt l’aurore.

 

Je clignai des yeux et regardai autour de moi, un peu hagard. J’avais tenté de réviser un peu mon voc avant de dormir, mais finalement je m’étais assoupi sans apprendre un mot -mon cahier reposait d’ailleurs toujours sur ma poitrine.

 

-Hein ? Quoi ? Il est quelle heure ?

 

-Bientôt cinq heures et demi du matin. J’aimerais bien récupérer mon lit.

 

Je me redressai d’un coup, alarmé.

 

-Cinq heures et demi !? Je dois encore enterrer les corps ! Je n’aurai jamais le temps…

 

-Je m’en suis occupé, me coupa-t-il. Tu peux rentrer chez toi tranquillement, je les ai cachés.

 

-Je… Euh, quoi ?

 

-J’ai fait disparaître les corps.

 

-Quand ? Mais où ?

 

-Est-ce vraiment utile que tu le saches ?

 

Je haussai les épaules. Non, en réalité je m’en fichais. Mais d’habitude on ne procédait pas ainsi ; je me demandais pourquoi il m’avait épargné ce soir.

 

Je me levai lentement et enfilai mes chaussures. Il attendit que je les aie lacés et que j’aie rassemblé mes affaires pour me souhaiter une bonne journée.

 

-À bientôt, lui lançai-je en sortant.

 

-À bientôt. Camille (je me retournai pour sortir, mais il ajouta 🙂 Ménage-toi, d’accord.

 

J’acquiesçai après une seconde d’hésitation, et pris congé.

Under la cathé 5

J’émergeai en poussant un hurlement à réveiller les morts.

 

Assis dans mon lit, ma respiration haletante, je réalisai où je me trouvais. Ah. J’étais dans ma chambre, à la maison. Pas dans une pièce aveugle avec des hommes morts à mes pieds, maculant le sol de leur sang.

 

Je passai ma main dans mes cheveux, agacé. C’était la troisième fois que je faisais ce cauchemar ! À chaque fois c’était la même scène qui se répétait: ces types qui me battaient, l’intervention d’Armelin – et sa morsure. Je me réveillais toujours en proie à la panique, avec l’intime conviction que tout était réel, ressentant presque ses crocs dans ma chair. Ça brûlait. Ça faisait mal. C’était comme si je le sentais encore…

 

Je rejetai mes couvertures et sortis. J’allai dans la salle de bain en me traitant d’imbécile et me plantai devant la glace pour m’examiner à la lumière du néon. Outre un teint blafard et des cernes, il n’y avait rien d’anormal chez moi. La peau de mon cou était parfaitement lisse, preuve que j’avais bel et bien rêvé.

 

Je tentai de ne pas me mettre à gamberger. Je ne pensai pas qu’Armelin soit capable de mordre un membre de sa propre famille. Mon père avait été clair là-dessus quand j’étais enfant: si notre ancêtre s’en prenait à nous de quelque manière que ce soit, nous devions venir l’en avertir. Effectivement, nous étions plus ou moins à sa disposition pour lui rendre service, mais cela ne lui permettait pas d’abuser de notre personne.

 

Néanmoins, je ne doutais pas qu’il ne puisse maquiller son méfait s’il lui prenait l’envie de nous… « goûter». Il était très vieux, j’imaginais, et j’avais beau ne pas être un expert en vampires, j’avais vu suffisamment de films montrant que ces créatures possèdent des pouvoirs hors du commun. Même si la fiction n’est pas toujours juste, mon instinct me dictait qu’il y avait une part de vérité. Et j’avais constaté à une ou deux reprises la force, la rapidité et la supériorité de certaines de ses capacités.

 

Je jetai un regard à mon reflet, qui me semblait un peu sur les nerfs. Toutes ces interrogations stériles m’irritaient, je tournais en rond. Je ne pouvais pas avoir inventé tout cela (je n’avais pas assez d’imagination !) mais l’option inverse me dérangeait plus.

 

Malheureusement, je m’appliquais à éviter depuis plus d’une semaine la seule personne capable de me dire la vérité.

 

 

 

Je descendis pour la première fois les escaliers menant aux sous-sols de la cathédrale avec une certaine réticence. Je n’appréhendai pas de voir Armelin, je n’étais juste pas très chaud pour le confronter. Voilà.

 

J’allumai une bougie en arrivant tout en bas et m’assis à même le sol. J’étais moins calme qu’à l’accoutumée, tapant vaguement du pied et regardant l’heure sur mon portable toutes les quinze minutes. J’étais pourtant arrivé le plus tard possible, pour ne pas avoir à attendre son réveil pendant trois plombes, mais mon avidité à vouloir des explications me rendait impatient.

 

Finalement, le soleil dût se coucher, car Armelin ouvrit son cercueil et se redressa.

 

– Bonjour, fis-je d’un ton cassant (si-si, c’est possible).

 

– Camille, constata-t-il. Comment te sens-tu?

 

– Hein ?

 

Il me m’avait jamais posé cette question auparavant.

 

– Est-ce que tu te sens mieux ? demanda-t-il, l’air aussi indifférent que s’il s’enquérait du temps qu’il faisait ce matin. (Il se leva et arrangea sa chemise.) Voilà une semaine que je ne t’ai pas vu.

 

– Oui. J’ai été très occupé dernièrement. Le gymnase, les devoirs, tout ça…

 

J’avais réussi à persuader mon frère et ma sœur de s’occuper de notre ancêtre jusqu’à hier, mais ils avaient fini par en avoir marre. Pendant des années, j’avais toujours été plus que disposé à le faire alors qu’eux avaient plutôt tendance à rechigner. Ils se sont sentis obligés de me rendre ce service – mais apparemment leur peur d’Armelin surpassait leur pseudo gratitude, puisque j’étais de corvée ce jour-là !

 

– Oui, je comprends… et j’imagine que ton enlèvement t’a causé un choc. Tu as dû prendre du temps pour t’en remettre.

 

– Mon enlèvement ? (Donc, je n’avais pas rêvé !) Toute cette histoire était réelle !?

 

– Bien sûr, hocha-t-il la tête . Tu ne te souviens pas de ces hommes ? De ce qu’ils t’ont fait ? De ce que JE leur ai fait ? (Je ne pus réprimer un léger frisson.) Connaissant ta curiosité naturelle, je m’imaginais que tu me harcèlerais de questions… comme toujours.

 

– Tu… Tu serais d’accord de me répondre ? m’étonnai-je.

 

– J’y suis plus que disposé, haussa-t-il les épaules, vu que tu as été blessé par ma faute. Et que malgré ça tu t’es gardé de tout révéler à ton père…

 

– Ah. Ce n’est pas quelque chose à aller répéter… Cela a-t-il un rapport avec ton « travail »?

 

Armelin rapportait des sommes colossales à la famille, mais on ne savait pas toujours d’où il gagnait cet argent. Ces occupations liées à la famille étaient légales, mais on ne comptait que sur sa parole. Il ôta sa chemise et sortit une neuve du sac que je lui avais apporté. Il l’enfila et se mit à la boutonner.

 

– Non, fit-il sèchement. L’argent que j’ai emprunté à Marcelo n’a été utilisé ni pour les placements de la famille, ni pour financer la société de ton père.

 

– Pourquoi tu as demandé de l’argent à cet homme et non à papa ? C’était un prêteur sur gages, ou un truc du genre ?

 

– Tu penses que je dois aller mendier auprès du « chef de famille » pour obtenir ce que je veux ? Je possède mes propres comptes Camille ! Mais dans cette situation j’avais besoin d’une somme conséquente, et en échange d’un service Marcelo me la fournissait.

 

Son ton était tendu. Si son visage n’exprimait pas autant de calme, j’aurais pensé que mes questions le mettaient sur les nerfs. Pourtant, c’est lui qui avait accepté d’y répondre ! Je persévérai :

 

– Et tu ne lui as pas rendu ce service.

 

– Non. Parce qu’en plus d’être illégal, ça m’embêtait.

 

Il n’en dit pas plus. Je revins au sujet qui me préoccupait le plus.

 

– Que s’est-il passé après que tu m’aies libéré ? poursuivis-je. Tu es apparu comme par magie, tu as tué ces hommes et je me suis retrouvé dans ma chambre SANS UNE ÉGRATIGNURE. Comment est-ce possible ?

 

Il ne cilla pas malgré mon ton chargé de sous-entendus. Je savais déjà qu’il avait du mal à saisir le second degré, mais là même lui aurait dû comprendre que je l’accusais.

 

– Tu t’es évanoui, tout simplement. Tu as subi une expérience horrible en étant attaqué par Marcelo et ses gros bras, ils t’ont enlevé et ils t’ont salement amoché. Tu as sûrement relâché la pression en sachant que tu étais en sécurité avec moi.

 

– Ah ouais ? Mais comme tu le dis si bien, ils m’ont passé à tabac. Comment se fait-il que je n’aie aucune marque ? Pas de bleus, de contusions, pas la moindre petite douleur ?

 

Pour la première fois en plus de quatorze ans que je le connaissais, Armelin étira ses lèvres en un sourire fin et chargé d’ironie. Et croyez-moi, c’était encore plus flippant que d’apercevoir ses crocs.

 

– Ça… fit-il à mi-voix en retenant un ricanement, c’est mon petit secret.

 

Trop perturbé ce jour-là par les réactions de mon parent et surtout à court de questions à poser, je n’approfondis pas mon interrogatoire.

 

Ce que j’allais regretter amèrement au cours des semaines suivantes… Et des années à venir.