Noël, que du bonheur (Partie 1)

Noël, que du bonheur (Partie 1)

 

Une fine couche de neige recouvre Maxim Street. Les arbres, d’où pendent des stalactites, sont gelés, donnant au paysage un air de conte de fées. Ilona Simmons, les joues rougies par le froid, est emmitouflée dans une veste chaude, un bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles et une écharpe autour du cou. Elle a attaché ses cheveux en une tresse indienne.

 

À première vue, cette jolie fille en terminale rassemble toutes les caractéristiques pour être une de ces filles mignonnes –et qui le sait –, pom pom girl et cruche sur les bords.

 

Mais pas Ilona. C’est plutôt sa petite soeur qui est comme ça. Elle lui a piqué son copain (bon, OK, sans s’en rendre compte), c’est une vraie tête de linotte et une fille superficielle. Elles ne s’entendent pas très bien. Ilona préfère son petit frère et sa grande soeur.

 

Elle sort son portable de sa poche pour vérifier encore une fois si elle n’a pas reçu de message. Depuis Halloween, elle sort plus ou moins avec un loup-garou tatoué et vaguement mortel. Le problème est qu’il vit à Yukon, au fin fond du nord du Canada, et qu’il n’envoie jamais de messages (ce qui rend le dialogue difficile).

 

Contrairement à elle qui a les yeux bleus et les cheveux blonds, il est noiraud et ses yeux ébène reflètent son âme de tueur. Toute la partie droite de son visage est couverte de tatouages aux motifs mystérieux qui signifient qu’il peut sortir du territoire des loups-garous.

Il ne lui a envoyé que deux messages en deux mois, mais hier elle a eu la surprise de recevoir quelques mots : demain j’arrive. A +

 

Elle ne sait pas où, quand ni comment. Elle a tenté de lui téléphoner, mais il n’a pas décroché.

Elle arrive à la hauteur de sa maison et entre. Sa mère lui fourre un sac à commission dans les mains, ainsi qu’un billet.

Oh non ! gémit la jeune femme. Je viens à peine de rentrer, et on se les gèle dehors.

-Ton frère et ta soeur ne sont pas encore rentrés.

-Mais Jenna est ici !

 

Sa mère met les mains sur les hanches et regarde sa fille avec sévérité, comme si elle venait de crier « motherfucker ».

– Ta soeur est allée pleurer dans sa chambre.

– On le saura qu’elle a un chagrin d’amour, grince Ilona.

– Que dis-tu?

– Si Steve n’avait pas disparu, je suis sûre qu’elle ne serait même plus avec. Et à part pleurer, elle ne fait pas grand-chose pour le retrouver.

– Ah oui ? Et par où commencerais-tu les recherches ? Il peut être n’importe où !

– Si c’est véritablement la personne que tu aimes, tu dois faire tout ton possible pour la revoir ! s’exclame Ilona un peu trop fort.

 

Sa mère hausse un sourcil.

– Tu n’es jamais tombée amoureuse… à moins que tu ne me dises pas tout.

– Non, maman, se reprend-elle. Je crois juste que Jenna se donne beaucoup de peine dans son rôle de tragédienne grec.

– Tu comprendras ce que sont les véritables sentiments un jour ma chérie, sourit-elle. Mais ça ne risque pas d’arriver si tu passes ton temps enfermée ici ! Tu ne sors pas beaucoup dernièrement. Je sais que tes futurs examens t’empêchent de penser à autre chose, mais fais un effort. Va au cinéma ou ailleurs.

– Tu veux m’obliger à m’amuser ?

– Oui. C’est un ordre !

 

Ilona souffle par le nez pour marquer son mécontentement, lâche son sac d’écoles par terre et sort en traînant les pieds. Elle ne veut pas discuter davantage de garçons avec sa mère, parler de Nathan encore moins, car :

  1. C’est un loup-garou.
  2. Il est couvert de tatouages.
  3. Il a poignardé son ex.
  4. Il ne veut pas qu’Ilona le présente à quiconque. Elle ne doit dire à personne qu’il existe, car il doit maintenir son existence secrète chez les humains.

 

Elle remonte la rue et se dirige vers les magasins. Elle traverse le grand parc près de chez elle, car le chemin est très joli en cette saison.

Mauvaise idée…

Inconsciente du grave danger qu’elle court, elle avance sur l’herbe gelée en zigzaguant entre les troncs, quand soudain elle entend un aboiement. Elle s’arrête, surprise, puis continue son chemin en haussant les épaules.

 

Quelques secondes après, elle voit surgir un homme d’entre les arbres. Il est plus grand qu’elle d’une tête et demie, blond et à une peau translucide. Ilona a un mouvement de recul en le voyant, car il est très impressionnant, avec ses yeux rouges et ses habits sombres et sales.

 

Détail sordide, il n’a ni chaussures ni chaussettes.

– Qui… qui êtes-vous ? bégaie-t-elle.

– Personne d’intéressant. Vous par contre, je pourrais vous utiliser… vous m’avez l’air prometteur.

– Pa… pardon ?

 

Il braque ses yeux inexpressifs vers l’endroit d’où il est venu et de nouveaux aboiements retentissent, plus proche. Il saisit Ilona par le bras et la tire du côté opposé. Elle essaie de se dégager, mais il a une poigne de fer et si elle ne veut pas être traînée par terre, elle doit suivre le rythme effréné de l’inconnu.

– Arrêtez! s’exclame-t-elle. Vous êtes barge ou quoi ?

 

Il s’arrête dans une clairière et elle se penche en avant, mains sur les genoux. Il a fait les Jeux olympiques ce mec ou quoi ?!

– Vous… vous êtes fou. Laissez-moi m’en aller ! Ou j’appelle la police !

 

Il la chope par le col et plaque son dos contre lui. Elle frissonne en sentant son souffle glacé sur sa nuque.

– Lâche-moi s’pèce de pervers !!!

Elle a beau se débattre, il lui a passé le bras autour du cou. Si elle bouge, elle a l’impression d’être étranglée. Ce mec forme une véritable cage vivante, on dirait qu’il est fait de métal.

– Ne bouge plus monstre. Tu es cerné.

 

Une dizaine de silhouettes encapuchonnées encerclent soudain Ilona et l’homme. Ils sont tous de haute taille, mais plus petits que le kidnappeur.

– Aidez-moi ! Je vous en prie !

– Ilona ?

 

Un des gars enlève sa capuche : Nathan, son loup-garou ! Elle est particulièrement contente de le voir, et pas seulement parce qu’elle l’adore. Il est très efficace en combat – elle l’a appris à ses dépens !

-Tu connais cette fille ? Qui est-ce ? Comment te connaît-elle ?

Ilona fronce les sourcils. C’est la voix d’une femme, venant de la droite du jeune homme.

 

Une rivale, déjà ?!

– Alors, Hommes-Loups… Vous connaissez cette jeune personne ? Elle a de l’importance à vos yeux ?

– Ne lui faites pas de mal, John ! dit Nathan. On va trouver une solution.

– Nathan ! On n’a pas besoin d’elle, une victime de plus ou de moins, quelle différence ?

– Mais…

– Obéis, ordonne la louve.

– Ursula, l’Alfa a dit : pas d’humain mort, intervient un autre.

 

Elle grogne comme un animal en colère :

– Mais il a aussi dit que les gens au courant de notre situation peuvent être réduits au silence s’ils nous mettent en danger.

Ilona lâche un cri terrifié ; lors de sa visite à Halloween, Nathan a omis de lui mentionner ce petit détail !

-Tu es censé me garder en vie Nathan ! Je sors avec toi, j’te signale.

Les gens portant des capuches se tournent vers lui comme un seul homme. Il tente de dissimuler sa gêne en toussant. La femme s’appelant Ursula murmure d’une voix sourde, chargée de colère :

– Tu sors… avec une simple humaine ? Avec le patrimoine génétique que tu as ? Tu sais qu’il y a des louves qui tueraient pour toi !? Que vont dire…

– Laisse mes parents en dehors de ça. Je ne suis jamais vraiment sorti avec elle. On a juste échangé nos numéros, rien de plus.

 

Ilona manque s’étrangler de rage. Comment ça, jamais sortis ensemble ? Bon, là-dessus il dit vrai, mais quand ils s’étaient vus à Halloween, il avait l’air de l’apprécier ! Et pas mal, même ! Elle va le dépecer quand elle réussira à échapper au vampire.

Qui sent le moisi. Bizarre. Et le renfermé. Beuh…

-Nathan, aide-moi. Je t’en prie…

Elle concentre toute sa peur dans son regard, le fixant d’un air de chien battu. Il déglutit en essayant de trouver une solution, mais ses compatriotes ne laisseront jamais filer un vampire surpuissant qu’ils traquent depuis des semaines pour une malheureuse humaine. Ça n’est pas de son ressort, car il y a le sang de centaines d’innocents sur les mains de l’immortel.

 

Il tente de jouer sa dernière carte :

– Elle était là au mauvais moment au mauvais endroit, Ursula. Ça ne la concerne pas.

– Vous ne m’avez pas un peu oublié ? fait John d’un ton sarcastique. Bon, on marchande ou pas ?

– Non. Tuez-la, on s’en fout, lâche Ursula.

Ilona sent un trou s’ouvrir dans sa poitrine. Elle va mourir. Et pas plus tard que maintenant.

 

Mais Ilona Simmons ne se laisse jamais abattre, alors elle ne se rendra pas sans blesser au moins une fois le grand blond qui chlingue.

 

– Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, hurle-t-elle.

Elle se débat pour échapper à l’étreinte de John et elle manque y arriver. Le loup le plus proche est à deux mètres et en se glissant sous le bras du vampire, elle pourrait le rejoindre.

 

Malheureusement, John, bien qu’étant un vieux vampire de 659 ans à l’ouïe très sensible, a plus d’un tour dans son sac. Il est exténué, car les loups le traquent depuis longtemps. Il était désavantagé, car il devait se cacher dans des grottes pendant la journée (d’où l’odeur bizarre) et il a juste pu s’enfuir aujourd’hui, car le ciel était couvert.

 

L’otage qu’il a capturé peut quand même lui être utile malgré le fait que les loups ne veuillent pas la sauver.

Tandis qu’elle s’enfuit, il la chope pour la deuxième fois par le col et fait la seule chose à faire dans sa situation : il pose ses lèvres rêches sur la peau de la jeune fille et enfonce ses canines pointues dans une veine bleue de son cou tendre.

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