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Under la cathé 6

J’essayai de me retourner dans mon sommeil, mais mon épaule droite heurta une surface dure.

 

La vague douleur que je ressentis me fit froncer les sourcils, je levai la main pour sentir les contours de la chose m’ayant tirée du demi-sommeil dans lequel j’étais plongé. C’était plat. Et grand. Je ne trouvai pas les bords.

 

Je me résolus à ouvrir les yeux pour identifier l’origine de mon problème, mon instinct m’avertissant que cela pourrait s’avérer plus complexe que je ne le pensais. Je ne vis rien –évidemment, ma chambre était plongée dans l’obscurité – alors je battis des paupières, espérant percevoir quelque chose. Dans mon impatience, je relevai le genou, qui rencontra lui aussi une résistance.

 

Pris de panique, je remontai mes mains au-dessus de ma tête pour voir jusqu’où allait l’obstacle : il s’arrêtait à trois centimètres au-dessus de mon crâne. En réalité, j’étais piégé sur plusieurs côtés. Mon souffle s’accéléra lorsque je compris où je me trouvai…

 

Dans une boîte.

 

On m’avait enfermé dans un cercueil.

 

Le hurlement qui s’échappa de ma gorge fut purement instinctif.

 

 

 

– C’est cool qu’on puisse enfin se parler face à face !

 

Je hochai la tête en me demandant comment je m’étais organisé dernièrement pour finir ici. J’étais en face de la fille la plus cool de ma classe dans un Starbuck (un endroit que j’avais tendance à fuir comme la peste, principalement à cause de ses prix exorbitants) et elle m’avait carrément offert mon café. La situation était surréaliste, ça ne m’était jamais arrivé auparavant.

 

Tout en discutant avec cette fille je me demandai si je devais la présenter à Armelin. Elle pourrait lui servir de repas, ça semblait une bonne initiative ; mais je me ravisai, me traitant mentalement d’idiot. Ne jamais choisir une personne proche de la famille ! Si quelqu’un parvient à remonter jusqu’à nous, ça nous mettrait tous en danger. L’un de nous se retrouverait soupçonné, mieux valait que mon ancêtre chasse dans des milieux que nous ne fréquentions pas. D’ailleurs pour qui je me prenais de vouloir lui livrer Joanna ? On avait jamais procédé comme ça avant ! Il était assez grand pour choisir ses repas tout seul, il n’avait pas besoin de nous pour ça.

 

Je changeai de position sur ma chaise, vaguement agacé par ma propre bêtise. Autant sacrifier une jeune fille innocente ne m’émouvait pas, autant mes idées farfelues sortant de nulle part m’agaçaient. (Peut-être ces pensées macabres étaient-elles tout simplement dues à mon cauchemar de cette nuit ?)

 

– On aurait très bien boire un café en classe pendant une pause, remarquai-je d’un ton plat.

 

Peut-être que mademoiselle ne supporta pas le café à un franc du Selecta ? (C’est vrai quoi, les machines à café, c’est tellement pas mode !!)

 

– Oh non, s’exclama-t-elle, pas avec tous ces gens autour, avec ce bruit constent, ce brouhaha… (Elle but une gorgée de son café chargé de crème chantilly avec un grand sourire.) Ici c’est plus personnel, plus intime.

 

Heureusement que son attention se porta sur une pub collée sur le mur ou elle aurait vu mon expression horrifiée. Pardon ? Intime ? C’est quoi cette embrouille ?

 

– Parle-moi un peu de toi, continua-t-elle d’un ton guilleret.

 

– What ?

 

– De toi, de ta famille : par exemple, comment sont tes parents ?  Est-ce que tu as des frères et sœurs ? Des cousins, des cousines ?

 

Cette conversation était telle que je l’avais imaginée avant qu’elle ne débute : ennuyeuse. Je n’étais pas du tout d’humeur à faire des efforts.

 

– Mes parents sont comme tous les parents : relou.

 

Je sursautai lorsqu’elle éclata d’un rire hystérique et manquai renverser du capucino sur mon jean.

 

– Ha ha ha! Qu’est-ce que tu es drôle ! (Non, pas du tout, le verlan c’est passé de mode depuis 20 ans ! Qu’est-ce qui lui prenait ?) Moi, côté frangins, j’ai seulement une grande sœur. Et toi ?

 

– Ouais, moi aussi j’ai une grande soeur. Et un petit frère.

 

Elle sembla attendre que je poursuive -ce que je ne fis pas.

 

– Et c’est tout ? fit-elle d’un air déçu. Tu n’as pas de grand frère ?

 

– Non.

 

– Ou un cousin plus âgé qui vivrait ici?

 

– Nope.

 

Je ne voyais pas où elle voulait en venir. Je bus une autre gorgée de café et en profitais pour jeter un coup d’œil ostensible à l’écran de mon natel.

 

– Rholàlà ! Il est déjà si taaaard! dis-je d’un ton exagéré. Mes parents m’attendent à la maison pour monter un meuble en kit, je vais devoir y aller.

 

– Mais on vient à peine de s’installer ! s’exclama-t-elle.

 

Je me levai en enfilant ma veste, prenant mon air contrit le plus convaincant.

 

– Je sais, désolé. Mais ça fait des jours et des jours qu’ils me tannent pour ça. Les modes d’emploi leur donnent migraine.

 

Elle ne sembla pas dupe.

 

– Mouais… Tu aurais pu choisir un autre jour pour les aider pourtant.

 

Je haussai les épaules dans un geste qui signifiait que je n’y pouvais rien et sortis du café à grandes enjambées, slalomant entre les gymnasiens faisant la queue à l’entrée. Une fois dehors, dans le froid, je savourai mon macchiato l’esprit plus calme : (vous croyez quoi ? Je l’avais pris avec moi ! Au prix que ça coûte !)

La mariée

… ou qu’il se taise à jamais

(vaudeville)

 

La petite église est pleine à craquer ; chaque banc en bois est occupé par des dames en robes avec capelines et par des messieurs en costumes élégants. Tous les membres des deux familles ont répondu présent avec enthousiasme pour assister à l’événement et tous les amis, les relations et les proches sont également venus.

Nicolas et Nicoletta vont enfin s’unir ! Pour le meilleur et pour le pire ! Tout le monde est bien content de ce dénouement heureux : ce joli couple, dont les deux prénoms sont si semblables, sont fait l’un pour l’autre -l’assistance le sait. Ces amoureux transis ont connu des hauts et des bas, ils se sont même séparés durant un court laps de temps, mais ils ont heureusement retrouvé leurs esprits et réalisé qu’ils ne pouvaient vivre l’un sans l’autre. Les gens qui ont assisté à leur rencontre, aux prémices de leur amour, à leur quotidien paisible et aux vagues dévastatrices de la passion se sentent impliqués dans ce mariage plus que dans aucun autre.

Ils étaient destinés à finir ensemble avant même de se rencontrer, Cupidon avait probablement gravé leurs noms sur une flèche à leur naissance et on raconte qu’Aphrodite enviait leur amour.

Tout le monde les regarde avec bienveillance, les dames s’éventent avec les feuillets de chansons et de prières, un sourire attendrit aux lèvres, tandis que les messieurs hochent la tête en écoutant les mots du prêtre, émus. Les deux fiancés quant à eux semblent perdus dans un monde n’appartenant qu’à eux ; Nicoletta contient avec peine ses larmes de joie et les beaux yeux bleus de Nicolas étincellent de bonheur.

Une seule personne parmi la foule semble ne pas partager ce sentiment d’allégresse commun. Ginette.

Les bras croisés, les jambes croisées, la bouche tordue en un rictus amer, elle fusille le couple du regard comme si elle voulait les tuer de ses propres mains. Elle voue une haine sans borne à la douce et gentille Nicoletta. Elle l’exècre, elle l’abhorre pour lui avoir volé l’homme qu’elle aime et pour être parvenue à se faire passer la bague au doigt. Cette petite dinde hypocrite ne mérite que malheur et solitude ! Pourquoi est-ce Nicoletta et non Ginette près de l’hôtel, en compagnie de son âme sœur ? Elle connaît Nicolas depuis plus longtemps !

En recevant l’invitation il y a quelques semaines elle avait cru étouffer de rage, son premier geste avait été de jeter la lettre, de la brûler, voire de la passer au mixer.

Mais ensuite une idée a germé dans son esprit, une idée diabolique. Elle a donc pris rendez-vous chez le coiffeur et chez la manucure, elle a acheté une robe pour l’occasion et elle a même mis les chaussures que son papa lui avait offertes pour ses vingt ans. Elle se sent à présent prête à se venger. Elle se sent prête à ruiner leur bonheur mièvre et à faire voler en éclat ce couple qui semble si parfait. Même si elle doit se ridiculiser pour ça. (Parce que ce sera probablement le cas !)

Alors que le prêtre arrive au passage tant attendu, elle se redresse sur le banc, se préparant à parler haut et fort. Le pasteur semble confiant lorsqu’il dit :

-Si une personne s’oppose à cette union, qu’elle parle dès à présent ou qu’elle se taise à ja…

-Je m’y oppose !

Ginette en reste la bouche ouverte, estomaquée, alors que quelques regards se tournent vers elle, surpris. Elle s’est levée pour objecter, mais une voix plus forte et plus rapide l’a prise de vitesse. Seules quelques personnes assises autour de Ginette l’ont remarquée, mais le reste de la salle a les yeux braqués sur une jeune personne au dernier rang.

Comment ? Qui ose interrompre le mariage ? La foule s’interroge, choquée et surprise. Qui a eu le culot de perturber l’harmonie parfaite de Nicolas et Nicoletta ? Même s’il s’agit d’une plaisanterie, c’est de très mauvais goût !

Les deux futurs mariés se sont figés et sont à présent tournés vers la salle. Ils ont encore les mains jointes.

-Paula ? s’étonne Nicoletta.

Un murmure parcourt la salle. Paula ? Est-ce bien la jeune sœur du marié ? Oui, c’est bien elle, il n’y en a qu’une. Que fait-elle donc ? Effectivement, elle a toujours semblé ne pas beaucoup apprécier la fiancée de son frère, mais on a mis ça sur le compte de la jalousie. Paula et Nicolas s’aiment beaucoup mais personne ne pensait qu’elle irait jusqu’à s’opposer à leur union.

On semble remarquer le fait que Ginette s’est levée également. On la dévisage bizarrement, elle rougit, même Paula lui jette un regard surpris. Le prêtre ne sait plus où donner de la tête, complètement perdu.

-Euh, qui commence ? dit-il, s’adressant aux deux jeunes femmes.

Ginette émet une petite toux et fait signe à Paula de se lancer d’abord, curieuse de savoir ce qu’elle a à dire :

-Honneur aux jeunes !

Paula la remercie d’un bref signe de tête et focalise toute son attention sur le couple devant l’hôtel. On retient son souffle, attentif :

-Nicoletta, j’ai réfléchi à ce que tu as dit, et je pense qu’on devrait se marier.

Grand bruit dans l’église : Comment !? Que dit cette petite folle ? Épouser Nicoletta ? Mais d’où sort-elle ?! Il s’agit du mariage de son frère ! Ne peut-elle pas se tenir pour une fois ?

La réaction des amoureux ne se fait pas attendre. Nicolas fronce les sourcils et fusille sa sœur du regard, très en colère. Le joli visage de poupée de Nicoletta perd toute couleur et se défait. Mais contre toute attente, il se tourne vers sa fiancée.

-C’est quoi ces histoires ? lâche-t-il d’un ton sec. Tu m’as dit que tu l’avais plaquée.

Stupeur générale ! Quoi-quoi-quoi ? Cette histoire serait sérieuse ? Mais Nicoletta n’est pas gay ! Une si gentille fille ! Souriante, polie, féminine, douce… Paula, on pouvait s’y attendre, cette enfant semble déterminée à contrarier ses parents -pauvres gens !

-Nicolas, je te promets que je ne…

-On en avait parlé, tu m’as promis que tu t’occuperais de régler le problème ! s’énerve-t-il.

Les invités ont à peine le temps de se faire la remarque qu’il lui parle plutôt sèchement que les traits de Nicoletta se durcissent et qu’elle prend une moue de dégoût. Les mots qu’elle lui crache au visage les choquent encore plus.

-Oh la ferme espèce de grand dadais ! C’est ma faute à moi si ta frangine est une tête de mule ? En plus, c’est toi qui nous as présentées. Alors, lâche-moi deux secondes tu veux ?

Jamais -au grand jamais !- on a entendu Nicoletta parler sur ce ton à son Nicolas ! Qu’arrive-t-il au couple ? Elle lâche la main de son fiancé et croise les bras, très énervée.

-Nicoletta, reprend Paula, je m’en veux qu’on se soit séparées. J’avais peur de m’engager, mais en réalité je t’aime ! Je veux passer ma vie avec toi !

-Espèce de petite idiote ! T’étais obligée de te déclarer maintenant ?! Devant deux cents personnes, pendant ma fichue cérémonie ?!

L’assistance ne trouve plus les mots pour décrire la scène tant ils sont surpris. À ce stade ils se contentent de suivre le dialogue comme un match de tennis.

-Te marie pas avec Nicolas. Choisis-moi, fait Paula d’un ton calme.

Nicoletta semble hésiter. Va-t-elle s’enfuir le long de l’allée au bras du frère ou de la sœur ? Elle soupire.

-D’accord.

Tandis qu’elle veut rejoindre la cadette de son fiancé sous les regards médusés de toute sa famille et ses amis, Nicolas la retient par le bras.

-On avait un accord, chuchote-t-il furieusement.

-Laisse tomber mon vieux, fait-elle en se dégageant avec désinvolture. Maintenant qu’elle veut bien avoir la corde au cou je vais pas la lâcher ! Et pis ça ne change rien, pour le renflouage de l’entreprise de ton père qui coule.

L’attention se porte sur les parents du fiancé, qui prennent une jolie teinte rosée. Nicolas grimace, mais cette fois il laisse sa fiancée rejoindre sa sœur.

-Je… Je suis enceinte.

Qui ? Paula ? Non ! Nicoletta ?! De Nicolas ! Oh là là! Ça devient compliqué !

Ah, en réalité c’est Ginette qui a parlé. Qu’est-ce qu’elle raconte celle-là ? Elle est rouge jusqu’à la racine des cheveux.

Nicolas (dont la mâchoire venait de se décrocher) se secoue et cligne des yeux.

-Je… je… Ginette, depuis combien de temps … ?

-Trois mois.

-T’as couché avec elle ? demande Nicoletta à Nicolas, un sourcil haussé.

-Oh, écrase. Y’a prescription, on était « séparés », la rembarre-t-il.

-Est-ce que tu es amoureux de Nicoletta ? demande Ginette d’un ton angoissé. Est-ce que tu as jamais été amoureux d’elle ?

-Non, hausse-t-il les épaules, au début on s’arrangeait avec de l’argent pour l’entreprise de papa et après je lui ai servi de couverture pour qu’elle puisse sortir avec Paula. Sa mère est tellement conservatrice : tout le temps sur son dos pour qu’elle se case, et tout…

C’est au tour de la famille de la mariée de rougir. Les invités semblent fascinés par cet étalage de petits secrets, ils suivent avec intérêts tous les échanges entre les quatre jeunes.

Nicoletta serre la main de Paula et elles retiennent leur souffle. Nicolas va-t-il oser … ? Ginette lui lance un regard rempli d’espoir…

-Ginette, fait-il, je suis désolé de t’avoir menti. Ça te dirait d’élever ton enfant avec un futur chômeur qui a été plaqué devant l’hôtel à cause de sa petite sœur ?

Ginette éclate en sanglot.

-Oui !

Il traverse l’allée et la prend dans ses bras pour l’embrasser.

-Mais par pitié, ne me parle pas de mariage, rit-il.

-On est d’accord ! s’exclame-t-elle.

Les deux couples saluent les invités et s’en vont en courant hors de l’église sous les applaudissements et les bravos du public.

Fin

Citations mystères

« Ta vie telle que tu la connaît cessera d’être »

-???-

 

« J’ai été façonnée par les événements, ce sont les autres qui ont choisi comment ils voulaient me définir. Je ne sais pas si un jour je pourrai à nouveau être maître de mon destin… »

-???-

 

« Hé bien, c’est la différence qu’il y a entre nous : toi tu tues pour le travail, moi je tue pour me venger…

Et elle, elle tue pour le plaisir. »

-???-

 

« Je veux que notre relation soit animée par le sentiment le plus pur ayant jamais existé :

La haine. »

-???-

 

« C’est comme s’il prenait un plaisir malsain à briser chacune des parties de mon être, mon corps aussi bien que mon âme, réussissant à meurtrir des choses en moi-même dont je ne connaissais pas l’existence –et que je ne pensais pas non plus pouvoir être détruites avec autant d’application… »

-???-

Under la cathé 5

J’émergeai en poussant un hurlement à réveiller les morts.

 

Assis dans mon lit, ma respiration haletante, je réalisai où je me trouvais. Ah. J’étais dans ma chambre, à la maison. Pas dans une pièce aveugle avec des hommes morts à mes pieds, maculant le sol de leur sang.

 

Je passai ma main dans mes cheveux, agacé. C’était la troisième fois que je faisais ce cauchemar ! À chaque fois c’était la même scène qui se répétait: ces types qui me battaient, l’intervention d’Armelin – et sa morsure. Je me réveillais toujours en proie à la panique, avec l’intime conviction que tout était réel, ressentant presque ses crocs dans ma chair. Ça brûlait. Ça faisait mal. C’était comme si je le sentais encore…

 

Je rejetai mes couvertures et sortis. J’allai dans la salle de bain en me traitant d’imbécile et me plantai devant la glace pour m’examiner à la lumière du néon. Outre un teint blafard et des cernes, il n’y avait rien d’anormal chez moi. La peau de mon cou était parfaitement lisse, preuve que j’avais bel et bien rêvé.

 

Je tentai de ne pas me mettre à gamberger. Je ne pensai pas qu’Armelin soit capable de mordre un membre de sa propre famille. Mon père avait été clair là-dessus quand j’étais enfant: si notre ancêtre s’en prenait à nous de quelque manière que ce soit, nous devions venir l’en avertir. Effectivement, nous étions plus ou moins à sa disposition pour lui rendre service, mais cela ne lui permettait pas d’abuser de notre personne.

 

Néanmoins, je ne doutais pas qu’il ne puisse maquiller son méfait s’il lui prenait l’envie de nous… « goûter». Il était très vieux, j’imaginais, et j’avais beau ne pas être un expert en vampires, j’avais vu suffisamment de films montrant que ces créatures possèdent des pouvoirs hors du commun. Même si la fiction n’est pas toujours juste, mon instinct me dictait qu’il y avait une part de vérité. Et j’avais constaté à une ou deux reprises la force, la rapidité et la supériorité de certaines de ses capacités.

 

Je jetai un regard à mon reflet, qui me semblait un peu sur les nerfs. Toutes ces interrogations stériles m’irritaient, je tournais en rond. Je ne pouvais pas avoir inventé tout cela (je n’avais pas assez d’imagination !) mais l’option inverse me dérangeait plus.

 

Malheureusement, je m’appliquais à éviter depuis plus d’une semaine la seule personne capable de me dire la vérité.

 

 

 

Je descendis pour la première fois les escaliers menant aux sous-sols de la cathédrale avec une certaine réticence. Je n’appréhendai pas de voir Armelin, je n’étais juste pas très chaud pour le confronter. Voilà.

 

J’allumai une bougie en arrivant tout en bas et m’assis à même le sol. J’étais moins calme qu’à l’accoutumée, tapant vaguement du pied et regardant l’heure sur mon portable toutes les quinze minutes. J’étais pourtant arrivé le plus tard possible, pour ne pas avoir à attendre son réveil pendant trois plombes, mais mon avidité à vouloir des explications me rendait impatient.

 

Finalement, le soleil dût se coucher, car Armelin ouvrit son cercueil et se redressa.

 

– Bonjour, fis-je d’un ton cassant (si-si, c’est possible).

 

– Camille, constata-t-il. Comment te sens-tu?

 

– Hein ?

 

Il me m’avait jamais posé cette question auparavant.

 

– Est-ce que tu te sens mieux ? demanda-t-il, l’air aussi indifférent que s’il s’enquérait du temps qu’il faisait ce matin. (Il se leva et arrangea sa chemise.) Voilà une semaine que je ne t’ai pas vu.

 

– Oui. J’ai été très occupé dernièrement. Le gymnase, les devoirs, tout ça…

 

J’avais réussi à persuader mon frère et ma sœur de s’occuper de notre ancêtre jusqu’à hier, mais ils avaient fini par en avoir marre. Pendant des années, j’avais toujours été plus que disposé à le faire alors qu’eux avaient plutôt tendance à rechigner. Ils se sont sentis obligés de me rendre ce service – mais apparemment leur peur d’Armelin surpassait leur pseudo gratitude, puisque j’étais de corvée ce jour-là !

 

– Oui, je comprends… et j’imagine que ton enlèvement t’a causé un choc. Tu as dû prendre du temps pour t’en remettre.

 

– Mon enlèvement ? (Donc, je n’avais pas rêvé !) Toute cette histoire était réelle !?

 

– Bien sûr, hocha-t-il la tête . Tu ne te souviens pas de ces hommes ? De ce qu’ils t’ont fait ? De ce que JE leur ai fait ? (Je ne pus réprimer un léger frisson.) Connaissant ta curiosité naturelle, je m’imaginais que tu me harcèlerais de questions… comme toujours.

 

– Tu… Tu serais d’accord de me répondre ? m’étonnai-je.

 

– J’y suis plus que disposé, haussa-t-il les épaules, vu que tu as été blessé par ma faute. Et que malgré ça tu t’es gardé de tout révéler à ton père…

 

– Ah. Ce n’est pas quelque chose à aller répéter… Cela a-t-il un rapport avec ton « travail »?

 

Armelin rapportait des sommes colossales à la famille, mais on ne savait pas toujours d’où il gagnait cet argent. Ces occupations liées à la famille étaient légales, mais on ne comptait que sur sa parole. Il ôta sa chemise et sortit une neuve du sac que je lui avais apporté. Il l’enfila et se mit à la boutonner.

 

– Non, fit-il sèchement. L’argent que j’ai emprunté à Marcelo n’a été utilisé ni pour les placements de la famille, ni pour financer la société de ton père.

 

– Pourquoi tu as demandé de l’argent à cet homme et non à papa ? C’était un prêteur sur gages, ou un truc du genre ?

 

– Tu penses que je dois aller mendier auprès du « chef de famille » pour obtenir ce que je veux ? Je possède mes propres comptes Camille ! Mais dans cette situation j’avais besoin d’une somme conséquente, et en échange d’un service Marcelo me la fournissait.

 

Son ton était tendu. Si son visage n’exprimait pas autant de calme, j’aurais pensé que mes questions le mettaient sur les nerfs. Pourtant, c’est lui qui avait accepté d’y répondre ! Je persévérai :

 

– Et tu ne lui as pas rendu ce service.

 

– Non. Parce qu’en plus d’être illégal, ça m’embêtait.

 

Il n’en dit pas plus. Je revins au sujet qui me préoccupait le plus.

 

– Que s’est-il passé après que tu m’aies libéré ? poursuivis-je. Tu es apparu comme par magie, tu as tué ces hommes et je me suis retrouvé dans ma chambre SANS UNE ÉGRATIGNURE. Comment est-ce possible ?

 

Il ne cilla pas malgré mon ton chargé de sous-entendus. Je savais déjà qu’il avait du mal à saisir le second degré, mais là même lui aurait dû comprendre que je l’accusais.

 

– Tu t’es évanoui, tout simplement. Tu as subi une expérience horrible en étant attaqué par Marcelo et ses gros bras, ils t’ont enlevé et ils t’ont salement amoché. Tu as sûrement relâché la pression en sachant que tu étais en sécurité avec moi.

 

– Ah ouais ? Mais comme tu le dis si bien, ils m’ont passé à tabac. Comment se fait-il que je n’aie aucune marque ? Pas de bleus, de contusions, pas la moindre petite douleur ?

 

Pour la première fois en plus de quatorze ans que je le connaissais, Armelin étira ses lèvres en un sourire fin et chargé d’ironie. Et croyez-moi, c’était encore plus flippant que d’apercevoir ses crocs.

 

– Ça… fit-il à mi-voix en retenant un ricanement, c’est mon petit secret.

 

Trop perturbé ce jour-là par les réactions de mon parent et surtout à court de questions à poser, je n’approfondis pas mon interrogatoire.

 

Ce que j’allais regretter amèrement au cours des semaines suivantes… Et des années à venir.

Happy new year bébé (Partie 2)

Happy new year bébé (Partie 2)

 

Aujourd’hui samedi 31 décembre, c’est jour de congé… et donc grasse mat ‘ en perspective.

Ilona se réveille à midi, complètement crevée par cette nuit que quelqu’un a effacé de son esprit.

-Bien dormi? s’enquiert-elle auprès de son invitée non désirée.

-Pas mal.

 

Apparemment elle n’a pas l’intention de lui rendre la politesse ! Sans s’en formaliser, Ilona consulte ses SMS, ne pensant pas trouver grand-chose. Aussi est-elle surprise quand elle voit un court message de Nathan :

Vs ds rég ! Fts gaf Urs

-Ursu… euh, Nolwenn? Ce message t’es destiné, je crois.

Cette dernière pâlit en décryptant le charabia de son ami.

-Des complications ? chuchote Ilona.

Des vampires dans la région. Fais gaffe Ursula ! », traduit la louve. Ouais, on est dans la merde. Écoute, ne bouge pas de là, je vais me renseigner en ville, OK ?

-Bien sûr, acquiesce l’autre, l’estomac dans les talons.

 

Les nouvelles que ramène Ursula un peu plus tard n’augurent rien de bon.

-Mon contact pense qu’ils veulent venger John. Ils te cherchent toi car l’un d’eux a entendu une conversation entre des loups. Ils sont une dizaine et à peine à un kilomètre d’ici.

-Combien de temps avant l’affrontement ?

La géante ouvre de grands yeux.

-On se tire ! Qui te parle d’affrontement ?

-Mais vous avez tué un vampire…

-On était à cinq contre un ! Un loup-garou ne peut rivaliser avec un seul vampire, alors imagine avec une dizaine !

-Je vais prévenir ma mère que nous partons.

-On n’a pas le temps, ils seront là dans quatre minutes max ! piaille Ursula en chopant la blonde par le bras et en l’entraînant dehors.

(Quatre minutes ? Waah, c’est rapide.) Comme Ilona n’est qu’une humaine, elle ne peut pas aller aussi vite que la louve le voudrait et l’autre la tire presque. Elles atteignent le fameux parc où la jeune humaine et le vampire se sont croisés il y a moins de dix jours et Ursula décide d’employer les grands moyens.

-On ne leur échappera jamais comme ça. Il faut que tu montes sur mon dos.

 

Elles passent entre deux maisons pour ne pas être vues et se dirigent vers la forêt du parc qui se situe juste à côté de la maison des Simmons. Croyant halluciner, Ilona regarde Ursula se dévêtir en plein milieu d’une clairière enneigée… et se transformer en loup.

Des poils lui sortent du corps très rapidement et elle tombe à quatre pattes.

-Aller, grimpe sur mon dos !

-Comment arrives-tu à parler ?

-C’est pas le moment de faire causette, gronde-t-elle en montrant les crocs. Monte !

Ilona s’installe sur la croupe de l’animal et s’agrippe à son cou.

-Ne tire pas mes poils ! couine-t-elle en se mettant à courir.

 

Appréciant la vitesse, la jeune fille passe sa main dans la fourrure rêche d’Ursula. Elle se déplace plus vite que n’importe quel autre animal. Les troncs deviennent flous, mais elle parvient à rester en équilibre sur son dos. Quelle sensation enivrante ! Comment est-ce que ça serait avec Nathan ?

Malheureusement, l’ivresse passe et les trouble-fêtes débarquent. Ils sont infiniment plus rapides, Ursula a surestimé ses capacités en s’imaginant les semer. Ils l’encerclent et Ilona compte onze vampires.

Et elle fait la chose la plus stupide du monde ! Elle saute à terre et file entre les buissons, trop rapide pour que les vampires songent une seconde à l’arrêter.

Ce qui est normalement impossible quand on est une humaine.

 

Six la poursuivent tandis que les autres s’occupent d’une Ursula folle de rage. Ilona court, mais sa tête veut retourner en arrière. Ses jambes et ses pieds sont contrôlés par une entité extérieure.

On la possède.

Elle stoppe près d’un gros rocher et fait face aux vampires, loin des yeux et des oreilles de la louve. Ils dévoilent leurs crocs en feulant comme de gros matous furieux.

-Bande d’incapables ! Vous croyez vraiment que des loups auraient pu me tuer ?!! hurle Ilona.

 

Elle écarquille les yeux; ça n’est pas sa voix, mais celle de John, qui sort de sa propre bouche!

-Maître John? s’étonne le plus grand vampire.

-J’habite le corps de cette fille, le temps de trouver mieux. Je n’avais pas le choix, les loups m’avaient retrouvé. En la mordant, je l’ai transformée en Servante.

-Votre vrai corps s’est changé en brume?

-Oui.

L’immortel s’était donc changé en brume et pas en cendres ? s’étonne Ilona. Mais quelle différence est-ce que ça fait ?

-Quand vous rappellerez votre corps, il reviendra ? demande un des sbires vampires.

-Exact, répond John à travers la jeune femme. Pour l’instant, mes aptitudes surdéveloppées sont dans ce corps malingre : ma force, mes yeux, mes crocs, mes griffes, mon ouïe et mon odorat.

-Maître, faites attention. Si elle se fatigue trop, dépérit et finit par mourir, vous disparaîtrez avec pour toujours. Vous vous devez de la ménager.

Ilona/John pose son index sur ses lèvres roses d’un air songeur.

-Je n’y avais pas songé. C’est agaçant ! Bof, hausse-t-il les épaules, je ferai avec.

 

Les vampires s’inclinent et disparaissent. Ilona sait immédiatement quoi faire après avoir retrouvé le contrôle de son corps : s’engueuler elle-même.

-Nan mais ça va pas s’pèce de malade?! Qu’est-ce tu fous en moi ?! Tu te casses de suite ou… ou…

« Ou quoi? raille la voix dans sa tête. Tu vas te suicider ? »

-Oh mon dieu… j’espère que vous ne me regardiez pas quand je m’observais dans la glace… hum, très dévêtue ?

« Je n’ai qu’une chose à te dire : très beau corps ! Et j’en ai vus dans ma vie, je m’y connais ! »

-Oh my gooooood! Vieux pervers ! Vicieux ! Sortez immédiatement !

«  Je dois récupérer, je suis très faible. Transférer mon esprit dans ton corps, séparer ma psyché de ma chair m’a pris énormément d’énergie. »

-Je m’en fous, barrez-vous ! Ou j’en parle à Nathan.

« J’ai un contrôle total sur ton corps. Tu ne peux rien dire sans mon accord. »

-Oh non…

« Et autant te le dire maintenant, enfonce-t-il le clou . Pour me nourrir, tous les soirs, j’ai tué des gens et j’ai bu leur sang. Avec ta bouche. »

 

Ilona secoue la tête, écœurée. Son esprit ne peut le concevoir, la voix est trop irréelle.

-Je vous en prie, allez-vous-en ! gémit-elle.

« Tu as tué. Tes mains sont couvertes de sang d’une dizaine de personnes… »

-Je fais une dépression chaque fois que j’écrase une mouche… c’est impossible.

« C’est la vérité. »

-Laissez-moi tranquille. Rendez-moi ma vie, barrez-vous… murmura-t-elle, au bord des larmes.

« Ilona Simmons, rien n’est dû au hasard. Tu t’es entichée d’un Homme-Loup. Ton existence ne sera plus jamais tranquille et paisible. Mais tu m’as l’air d’être une jeune femme qui aime l’action. Notre rencontre et mon choix de prendre ton corps n’est peut-être pas un hasard. Le futur nous révélera sûrement l’issue de cette union non désirée. »

Elle se fige. Les paroles du vampire, bien qu’elle le déteste, sont étrangement justes. Elle aime Nathan, bien qu’il soit un tueur et une créature dangereuse. Peut-être va-elle devoir endurer beaucoup de choses pour rester à ses côtés ?

 

Elle ne remarque pas le frisson d’excitation qui lui parcourt le dos. Une femme d’action…

-Hé ! La blondasse !

Ursula surgit d’entre les arbres, les poils dressés et les crocs découverts.

-T’ai-je dit de te barrer de mon dos alors qu’une bande de sangsues nous encerclait ? Je pense pas !

« Dis-lui que tu leur as tout expliqué, qu’ils ont sondé ta tête et sont repartis, ordonne John. »

 

Ilona répète mot pour mot ce que l’immortel lui a soufflé et Ursula hausse un sourcil –enfin, autant qu’un loup pouvait hausser un sourcil !

-Sondée? Quel effet ça t’a fait?

Ilona la regarde droit dans les yeux, mais commence à suer.

« Désagréable. On aurait dit qu’une ventouse aspirait mes moindres pensées. »

Elle répète pour la deuxième fois ce que John dit. Il l’aide, mais dans son intérêt. Espérant le piéger, elle essaie de prononcer : « j’ai un vampire dans la tête », mais les mots restent coincés dans sa gorge. Flûte! Le vampire avait raison.

 

Un autre loup surgit, plus grand et plus impressionnant encore, noir comme la nuit. Si l’encolure de Ursula arrive à l’épaule d’Ilona, celle de cet imposant animal dépasse le sommet de son crâne.

-Tout va bien Ilona? Ils ne t’ont pas blessée ?

-Nathan ? souffle-t-elle, estomaquée.

-Ha ha ha! Je te fais peur ?

 

Elle s’approche, fascinée et passe ses doigts dans le pelage de son copain. Il frémit et baisse son énorme tête à la hauteur de la jeune fille, plongeant ses yeux dans les siens.

Elle esquisse un sourire incrédule : il possède un regard similaire à celui qu’il a quand il est humain. Ilona fond comme neige au soleil et entoure son cou de ses bras. Il s’appuie contre elle et elle manque se casser la figure.

-Non, tu es la créature la plus merveilleuse que j’ai vue dans ma vie, murmure-t-elle en posant son nez sur sa truffe humide.

Ursula lève les yeux au ciel et souffle. Maudite soit l’ouïe des loups-garous !

 

 

-Allô maman ? Oui, je passe le Nouvel An avec des amis et Nolwenn. Non. Oui. Bien sûr, à plus tard. (Elle ferme son portable d’un claquement sec.) J’ai la permission de deux heures du mat ‘ les gars !

Les copains de Nathan émettent un « wéééé » général. Ils ont loué une salle dans un restaurant du centre-ville et vont fêter le Nouvel An ensemble. À la grande surprise d’Ilona, ils l’ont invitée à rester avec eux. Apparemment Ursula est la seule à se formaliser qu’un de leurs chasseurs sorte avec une bête humaine ! Tss !

 

Il y a quelques femelles, dont Ursula, et toutes semblent curieuses envers cette petite blonde qui a séduit le grand méchant loup. (Et un peu jalouses, autant ne pas se mentir !)

Le grand méchant vampire quant à lui se cache au fond de l’esprit d’Ilona, évitant de faire des commentaires sarcastiques à Ilona, car il n’est pas très à l’aise avec tous ses loups autour de lui.

Tous ne sont pas des chasseurs. Le groupe comprend une vingtaine de jeunes et ils ont chacun une permission de sortie apparemment. Ilona n’ose pas trop leur poser des questions directes comme elle le fait avec Nathan, elle n’a pas envie de les froisser par erreur.

 

Peu avant minuit, la fête bat son plein. Nathan emmène sa petite amie dans une pièce à côté, où il y a de larges sièges moelleux. Il s’y assied et la prend sur ses genoux.

-Pourquoi m’as-tu surveillée avec ces yeux là pendant toute la soirée ? demande-t-elle.

-Je ne veux pas te ramener saoule à la maison. Tes parents te priveraient de sortie.

-Je n’ai bu que quelques gorgées de vin, quel vieux jeu tu fais !

-Vieux jeu ? chuchote-t-il à son oreille. Vraiment…

 

Ses lèvres effleurent le cou d’Ilona et ses mains glissent sur ses hanches.

« Tsss! Le vieux truc du cou. C’est d’un minable… »

« La ferme John. J’ai le droit à un moment d’intimité avec mon mec quand même ! réplique-t-elle. »

« M’en aller quand ça devient croustillant? Rêve pas blondinette… »

« Pauvre type! »

-Ilona? Est-ce que ça va? Tu m’as l’air ailleurs…

-Non! Je… je suis fatiguée, c’est tout.

-Tu es très pâle. Et tu as maigri.

 

Elle hausse les épaules et l’embrasse. Elle repousse l’esprit du vampire et s’imagine l’enfermant dans une pièce capitonnée : cela fonctionne et John a beau tempêter, il ne peut sortir. Elle sourit et Nathan caresse son genou. Elle frissonne quand sa main remonte le long de sa cuisse. Waaah ! Il est vachement entreprenant ! Personne, même Steve n’a jamais osé aller aussi loin avec elle…

Elle passe ses doigts sous son t-shirt noir –ne porte-t-il jamais de couleurs ?!– pour sentir ses muscles. Ils sont bien dessinés, comme elle l’avait imaginé. Et où a-t-il appris à embrasser si bien ?

-Hé, les tourtereaux !

 

Ilona sursaute, mais pas Nathan –il a déjà entendu arriver Ursula.

-Minuit dans une minute !

Ils rejoignent les autres –un peu à contrecœur – et ils se servent un verre de champagne.

-10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1… bonne année !!!

Nathan immobilise la mâchoire d’Ilona de sa main droite et la regarde avec une intensité qu’elle ne lui connaît pas. Ils s’embrassent tendrement, puis il la serre contre lui. Elle enfouit son visage dans son épaule.

 

-J’espère que nous aurons moins d’ennuis cette année… Tu as enduré beaucoup de choses.

 

Elle ne lui réplique pas qu’un vampire dans la tête est peut-être une source d’ennuis possible, car John l’en empêche. Il est revenu. Sa gorge se serre d’inquiétude.

 

-Je t’aime… dit-elle simplement, espérant qu’il ne sente pas la pointe de tristesse dans sa voix.

 

Il ne répond pas. Il ne lui a jamais dit les mots magiques, et ça la peine. Même si elle peut attendre.

Nathan l’embrasse sur le front, de sombres pensées en tête, dont Ilona n’a pas conscience, trop préoccupée par les siennes…

 

À suivre

 

Note de l’auteur : Et voilà ! Pour l’instant c’est tout pour l’histoire entre Nathan et Ilona ! Il va falloir patienter un peu avant de pouvoir connaître la suite –que je n’ai pas encore écrite. N’hésitez pas à mettre votre avis sur ce chapitre !

Happy new year bébé (Partie 1)

Happy new year bébé (Partie 1)

 

Ilona Simmons tire ses cheveux blonds en une queue de cheval parfaite et examine son reflet dans le miroir. Mince, yeux bleus et silhouette élancée, tout est normal. Ce qui l’est moins, ce sont ces grands cernes mauves sous ses yeux. Pourtant, elle dort la nuit, et pas qu’un peu ! Elle s’effondre sur son matelas à 20 heures pour se lever difficilement à 7 heures le lendemain. Et ce, depuis plus d’une semaine.

 

Elle sort, emmitouflée dans sa grosse veste d’hiver et son écharpe. Elle se dirige vers la paroisse, frigorifiée. Elle s’est inscrite avant Noël pour aller rendre service au pasteur avec d’autres lycéens, elle en est quasi à le regretter à cause de son manque de sommeil ; elle paierait cher pour être encore dans son lit à ce moment-là !

Elle arrive juste à l’heure et s’assied à la hâte sur une chaise, essayant de ne pas se faire remarquer.

-Tu vas finir par être en retard.

 

Se débattant pour enlever sa veste, elle fusille du regard sa voisine de droite (ce qui est inutile, car ses beaux yeux bleus ne font jamais peur à personne), le pasteur se lève pour commencer la séance d’information.

-Bonjour. Je suis assez pressé au niveau du programme, alors on va faire rapidement les présentations : voici Nolwenn Foster, qui a déménagé ici il y a…?

-Deux jours.

 

Une nouvelle ? Ilona l’a complètement loupée ! Sa voix, venant d’un côté de la salle, est grave et bien posée, assurée. Ilona fronce les sourcils et se penche pour essayer de la repérer parmi le groupe de jeunes, car il lui semble l’avoir déjà entendue quelque part.

 

La peau mate, des yeux noirs insondables, une présence bien marquée et une haute stature, Nolwenn a tout le bas du visage recouvert de tatouages noirs qui s’arrêtent sur ses joues et passent même sur ses lèvres.

 

Notre blonde préférée a un sursaut en la voyant : est-elle un loup-garou ? Elle n’oserait pas aller le lui demander, ça ne se fait pas ! Et elle est peut-être seulement humaine, n’importe qui peut se faire tatouer.

Nolwenn pose son regard calme sur elle et la transperce de ses yeux acérés.

-Mademoiselle Simmons ? On ne dévisage pas les gens de cette manière.

L’intéressée fait volte-face, cramoisie, et tout le monde éclate de rire -sauf la nouvelle.

Elle va me prendre en grippe direct, songe Ilona.

 

Les travaux que leur confie le pasteur sont simples, pourtant la journée se déroule bizarrement. Ilona sent toujours Nolwenn l’observer, et quand elle se tourne pour vérifier, l’autre la dévisage sans gêne. Elle ne se montre pas très amicale avec les personnes qui l’abordent ; elle ne répond que par onomatopées et ne sourit pas, ne semblant pas vouloir se lier aux jeunes.

 

Être fixée ainsi pendant des heures est assez éprouvant, Ilona est vachement contente de retourner à la maison. Une fois au chaud dans l’entrée, elle pousse un long soupir.

 

-Ilona ? l’appelle sa mère. C’est toi ? On est dans la cuisine ! Rejoins-nous.

Nous ? Qui nous ? Il y a une visite surprise ?

-J’te raconte pas la journée que j’ai eue, soupire Ilona en traversant le couloir. On a…

Elle se fige sur le seuil. Nolwenn est assise en face de sa mère, une tasse de café à la main.

-Ton amie voulait te parler alors je l’ai laissée entrer pour papoter. Je ne savais pas que tu correspondais avec elle depuis si longtemps !

 

Ilona, la bouche ouverte, hésite à dire la vérité pour que sa mère vire cette intruse de la maison, mais une chose la décourage rapidement. Nolwenn se tourne vers elle avec une lenteur calculée et soulève le pan de son long manteau, dévoilant un couteau de chasse dans son fourreau.

-Tu ne lui as pas parlé de moi? dit-elle dans un sourire. C’est pas cool ça… On a mangé ensemble la semaine passée pourtant, et on s’échange des mails depuis des mois.

Ilona ne sait pas ce que cette fille veut, mais apparemment elle a envie de jouer à la meilleure copine. Nolwenn risque de les empaler si elle nie, ou pire !

-Franchement, quand elle a sonné à la porte avec tous ses tatouages je me suis dit : « Mais qui est cette grande perche ?! »

-Oui, marmonne Ilona. Au premier abord, on peut se méprendre. C’est une fille très… surprenante.

 

Et plus rapide qu’elle ! Ilona s’est dépêchée de rentrer, mais Nolwenn l’a devancée, et de beaucoup vu qu’elle a eu le temps de boire un café avec sa mère.

-On a des devoirs de vacances à terminer, annonce soudain la grande fille, dépliant son immense corps en se levant.

-Bien sûr, travaillez bien les filles !

La géante chope Ilona par le coude et la traîne à l’étage en lui faisant signe de se taire, un doigt sur les lèvres. Qui est-elle ? Que veut-elle ? Est-ce une simple détraquée ? Ou une ennemie de Nathan qui veut s’en prendre à la famille d’Ilona ?

Elle pousse cette dernière dans sa propre chambre et s’enferme avec elle.

-T’es plus coopérative que ce que j’pensais.

-Qu’est-ce que tu me veux ? Me tuer ?

 

Elle se laisse tomber sur le lit et -oh miracle !- sourit.

-C’est difficile à croire, mais je suis là pour te protéger.

-Bien sûr…

-Je suis une louve. Tu l’as tout de suite deviné, non ? Je suis une amie de Nathan.

-Comment pourrais-je te croire ?

-Je ne m’appelle pas Nolwenn, mais Ursula.

 

Ilona ouvre de grands yeux. Évidemment ! C’est pour ça qu’elle reconnaissait sa voix, elle l’a entendue dans la clairière il y a une semaine.

-Toi ! Tu es horrible, tu étais prête à me sacrifier pour attraper le vampire !

-Nathan mérite mieux… et il doit se concentrer sur son job, pas s’enticher d’une bête humaine.

-Il n’y a pas de niveau au-dessus de chasseur !

La louve hausse un sourcil, étonnée que cette pauvre fille sache ça.

-Non, admet-elle. C’est vrai.

-Pourquoi es-tu entrée comme ça chez moi et m’as-tu menacée avec un couteau ?

-Je n’aurais jamais blessé ta mère, t’inquiète. Pas seulement parce qu’elle est amusante, mais parce que je savais que tu m’obéirais si je te faisais peur. Je ne voulais pas que tu crées de scandale, c’est pour ça que j’ai recouru à cette méthode.

-Il y une chose que je ne comprends pas…

-Ça ne m’étonne pas venant de toi.

-… pourquoi tu joues les gardes du corps ? termine Ilona en la fusillant du regard.

 

La louve inspire profondément avant de répondre, choisissant bien ses mots :

-Le vampire qui t’a mordu… était très vieux et puissant. Il se trouve que sa salive peut te transformer en goule n’importe quand.

-En QUOI ?!

-Pchhhhhht ! Moins fort !

-Maismaismais… je veux pas devenir une… une goule ! (La blondinette se fige.) Qu’est-ce que c’est d’ailleurs ?

Ursula hésite, sentant que l’autre risque de péter un câble en apprenant la vérité.

-Un genre de… de zombie qui…

-PARDON ?! Quelle horreur !

-Silence !

-J’aime pas les zombies ! C’est dégueu et ça me donne des cauchemars !

-Att…

-J’adore ma vie ! Je veux pas dévorer des gens et devenir…

-Putain ! Laisse-moi terminer mes explications, merde !

 

Ilona la regarde d’un air paniqué et se mord la lèvre, au bord des larmes.

-Tu es ici pour protéger les autres de moi, hein ?

-Aussi oui. Mais principalement pour veiller sur toi. Nathan dit que tu as besoin d’être aidée si d’autres vampires veulent s’en prendre à toi.

-Oh my god.

-Il faut que je te suive 24h sur 24, car d’imperceptibles changements peuvent indiquer une transformation imminente.

-Bouhouhou… (Ilona percute ce que la louve vient de lui dire.) Attends, quoi ? 24h sur 24 ?

-Je dois rester dormir avec toi.

-Oh, mais bien sûr, ironise Ilona. Je vais faire passer en douce une louve de deux mètres pendant la nuit et la faire dormir sur le canapé du sa…

 

Elle s’interrompt au milieu de sa phrase, dévisageant Ursula comme si elle venait de comprendre les lois de l’univers tout entier.

-Quoique… Oui, ça peut passer.

-Hein ?

-Vu que t’as déjà charmé ma mère… je vais lui demander si tu peux rester dormir.

-Madame Simmons est plutôt sympathique pour une humaine… quel dommage qu’elle ait une fille telle que toi.

-Occupe-toi de ta propre mère, OK? Laisse la mienne tranquille.

-Mes parents ont été tués quand j’avais cinq ans.

 

Ilona se fige, la main sur la poignée, et bafouille :

-Je… excuse-moi.

L’autre hausse les épaules d’un air détendu.

-Tu ne savais pas. Bon, alors je peux m’installer ?

-Je vais lui demander pour ce soir, elle devrait être d’accord. Mais je ne te veux pas ici pendant dix ans, trouve-toi un autre endroit pour dormir !

-Ouais, ouais.

 

Elle s’allonge sur le lit d’Ilona et joue sur son portable. Pas gênée…

La blondinette dévale les escaliers, une boule dans la gorge. Ursula la déteste, mais elle n’a rien fait pour ça. Elle sort simplement avec Nathan ! On dirait que pour un loup, être avec un humain c’est la dèche.

-Maman ? Ursu… euh, Nolwenn peut-elle rester ici cette nuit ?

-Bien sûr. Je m’en doutais, j’ai déjà rajouté un couvert.

-T’es la best. Ci-mer, rit-elle en collant un bisou sur la joue de sa mère.

Elles montent au grenier pour prendre un matelas. Quand Ursula les voit entrer avec, elle bondit du lit et les aide immédiatement. Une fois la mère de famille partie, les deux jeunes filles font le lit.

-Comment tu connais Nathan ?

 

La louve lui accorde à peine un regard.

-La soeur de son père m’a adoptée.

-Waouh. Ça fait perpèt’.

-Ouais.

-Et vous êtes amis depuis ?

-Ouaich.

-Alors pourquoi ne supportes-tu pas qu’il soit avec moi ? Tu es jalouse ?

 

Ursula se redresse en soupirant et s’étire.

-Non. Mais franchement, une pauvre humaine blonde pleurnicharde… il aurait pu choisir mieux.

-La dernière fois, tu as parlé de filles qui tueraient pour lui, l’interroge Ilona, ignorant l’insulte.

-Oui, car il est fort, beau et intelligent. Il pourrait être l’alfa d’une grande meute, quand il aura cinq-six ans de plus, j’en suis sûre. Se trimballer avec toi va ruiner ses chances.

-Tu méprises les humains.

Ça n’est pas une question… elle a cerné Ursula. Elle les considère comme des choses faibles, fragiles et bêtes à bouffer du foin.

-SOUPER !

 

Ursula ôte son manteau et Ilona rage en voyant son corps parfaitement proportionné, moulé dans un top noir. Cette louve ne semble ni dégingandée ni mal à l’aise dans son grand corps.

Jalousie, jalousie…

 

La grande louve fait sensation en pénétrant dans la salle à manger. Elle dépasse le père d’Ilona d’une bonne tête. Jenna se redresse sur sa chaise, le cadet ouvre de grands yeux et l’aînée retient un mouvement de recul.

-Je suis navrée de m’incruster…

-Non! C’est un plaisir de connaître les amis de nos enfants. Installe-toi à côté de Ben.

 

Ce dernier a la bouche un peu ouverte.

Ursula s’attaque au poulet préparé par madame Simmons et mange de bon coeur. Les autres se mettent à raconter leur journée, tentant de ne pas dévisager l’invitée comme une curiosité touristique :

-Tu te rends compte que Lola m’a demandé pourquoi je ne sors avec personne ! se plaint Jenna. Non mais franchement, quelle idiote !

-Bah… pourquoi ? interroge Ursula, mettant bien les pieds dans le plat.

 

Ilona serre les lèvres; et c’est repartiiiiiii. La complainte de la cadette « lourdingue-et-inconsolable » sur le petit copain disparu.

-Tu vois Nolwenn… mon petit ami a été enlevé le jour d’Halloween. Il y avait son sang sur la moquette de l’entrée.

-Ça a mis une semaine à partir, marmonne Ilona.

-Il a sûrement été victime d’un enlèvement, gémit la cadette en enfouissant son visage dans ses mains. Oh mon dieu! Pauvre, pauvre Steve!

-Moi je me suis fait assommer, tout le monde s’en fout apparemment.

-Le monde ne tourne pas autour de toi Ilona ! s’écrie sa sœur.

 

Ilona en a le souffle coupé. Quoiquoiquoi ? Elle égoïste ? Sa soeur n’inversait pas un peu les rôles ?

-Tu penses pas que ton mec s’est fait la malle ?

Ilona éprouve un soudain élan de sympathie pour la louve.

-Attends, fait Ursula en fronçant les sourcils. Il s’appelle Steve ?

-Ouais. Et?

 

Le regard de la louve-garou devient pensif, tandis qu’elle coule un regard vers Ilona. A-t-elle déjà croisé le jeune loup ? Nathan lui a-t-il raconté quelque chose sur son compte ? Car Steve a créé des problèmes en refusant de se rendre à Yukon pour suivre sa formation et Nathan a dû venir le chercher par la peau des fesses.

 

Enfin, il l’a poignardé et ficelé comme un saucisson pour pouvoir ensuite le kidnapper.

-Nolwenn, ton appétit fait plaisir à voir! rigola la mère en voyant la louve saucer le plat. Mes filles veulent toutes ressembler à des mannequins, ha ha ha!

-Ah ouais Ilo? ricane la goinfre en se léchant le pouce. Moi j’ai toujours une faim de loup ! Tu fais un régime pour plaire à ton petit copain peut-être ?

-J’en ai pas, nie l’autre.

-Tu dis que c’est un pote, mais personne n’est dupe, fait Jenna. Tu as traîné deux jours avec la semaine passée !

-Il n’empêche que c’est mon ami.

-Tu n’oses même pas nous le présenter.

-Il ne veut voir personne. Et si je mange peu, c’est parce que je n’ai pas faim.

Depuis une semaine elle pouvait se contenter d’un repas par jour, sinon elle avait une sensation d’écoeurement qui ne la quittait plus.

-Fais attention à ne pas perdre encore plus. Tu as presque l’air malade, s’inquiète sa mère.

 

Ilona pose sa fourchette et monte dans sa chambre avec Ursula.

-Ai-je gaffé avec Nathan ? Tu n’as pas parlé de lui avec ta famille ?

-Il ne le souhaitait pas.

-Ah ? Et tu lui obéis ?

-Je pense avant tout à son anonymat. Puis mon dernier petit copain voulait aussi garder notre relation secrète alors j’ai l’habitude.

-Steve. Nathan m’a parlé de ton ex, il le déteste. Mais comment se fait-il que ta soeur soit sortie avec ? Je n’ai pas tout suivi.

-Il était avec nous deux en même temps, sauf que nous n’étions pas au courant. Je m’en suis rendu compte après avoir rompu. J’ai renoncé à en parler à Jenna, c’est qu’une gamine écervelée.

Ursula semble songeuse.

-C’est une garce ouais.

 

Ilona s’assied sur son lit, à côté de l’immense louve, pour qui tout paraît simple dans la vie.

-T’as bien cerné le personnage, ouais.

-Tu sais que même avant de t’avoir rencontrée, Nathan me saoulait avec sa nouvelle petite copine ?

-Comment ça?

-Je pensais que c’était une louve. D’habitude il n’en parle pas, et elles se succèdent rapidement. Mais là il me vantait ton courage et le fait que tu lui tiennes tête.

-Vraiment ?

-Ne m’oblige pas à te le dire deux fois…

-On dirait pourtant qu’il me considère comme une quantité négligeable. Il me donne rarement de ses nouvelles.

-Sérieux ? T’as son numéro ? Il le donne jamais. (Ilona ouvre de grands yeux, étonnée.) Tu comptes pour lui, tu passes avant son boulot – ça m’agace d’ailleurs – ce qui n’est jamais arrivé non plus. Il a réellement paniqué quand il t’a vue prisonnière du vampire.

 

Ilona sourit, ravie d’entendre un des proches de son amoureux lui dire de telles choses, malheureusement Ursula n’a pas fini.

-Je vois pourtant que tu ne mesures pas l’étendue de la force d’un loup-garou. Quand nous commettons un meurtre, il est difficile de ne pas céder à l’odeur du sang et de se précipiter sur une autre victime pas loin pour la liquider.

 

C’était pour ça qu’après avoir poignardé Steve, Nathan s’est mis à traquer Ilona dans la rue pour la plaquer contre un mur? En réalité il a, l’espace d’une seconde, essayé de la…

-Il voulait me tuer.

-Quoi ?

-La première fois que je l’ai rencontré, il a failli me trucider, après avoir blessé mon ex avec une arme.

-Oh.

Silence embarrassé, ni l’une ni l’autre ne sait quoi dire. Ursula se demande à présent si Ilona n’est pas un peu dérangée et se promet de ne pas trop lui faire confiance. Quel genre de nana est capable de sortir avec un mec qui a tenté de la tuer !?

 

Elles vont se doucher tour à tour et s’endorment sans plus parler.

Mais dès que le souffle de Ursula devient plus léger, qu’un discret ronflement s’élève de ses lèvres et que toute la maisonnée est enfin silencieuse, Ilona ouvre les yeux.

 

Elle se lève, en short et en top, les cheveux attachés en une queue de cheval lâche et les pieds nus. Elle ouvre son placard, enlève une des planches au sol grâce à un stylo et en sort un long imperméable noir taché et des baskets de la même couleur, qu’elle enfile.

Elle entrouvre la porte et descend les escaliers sur la pointe des pieds avec une discrétion absolue. Elle sort dans le froid après avoir ouvert la porte puis s’en va. Elle court de rue en rue, puis arrive au centre-ville en trois minutes, alors qu’elle n’y parvient qu’en vingt pendant la journée.

 

Elle s’immobilise au coin d’une rue, guettant qui elle va pouvoir attaquer. Elle attend, accroupie, pendant près d’une demi-heure, pour enfin voir une femme d’une trentaine d’années sortir d’un bar, saoule.

 

Elle ne bouge pas, le coeur accélérant à l’idée du goût du sang de l’autre dans sa bouche. Sa peau ferme, son pouls lent et ce liquide chaud, circulant dans tout son système sanguin…

Quand elle dépasse Ilona, la femme n’a aucune chance : se redressant sans bruit, bondissant comme un diable hors de sa boîte, la jeune blonde la renverse et la plaque au sol avec une force surhumaine et plonge deux canines effilées dans sa gorge. La femme ne peut hurler, car la main d’Ilona la bâillonne.

 

En deux minutes à peine, tout le sang est drainé. Ilona contemple son manteau et ses mains humides et sales. Merde, le soleil se lève dans un quart d’heure et il faut encore qu’elle se lave. Elle abandonne le cadavre à même le trottoir sans même un regard en arrière.

 

Retourner à la maison lui prend cinq minutes. Elle cache ses vêtements souillés sous les planches du placard et, jurant secrètement à cause de la louve qui a mis trois plombes à s’endormir et qui va se réveiller d’ici pas longtemps, s’enferme dans la salle de bain. Elle lave ses mains au savon doux, mais frotte vigoureusement, provoquant des rougeurs sur sa peau. Elle se rince dix fois le visage en quatrième vitesse. Elle crème son corps pour couvrir toute odeur de sang et s’enfile sous les couvertures avant que Ursula n’ouvre les yeux.

 

Noël, que du bonheur (Partie 2)

Noël, que du bonheur (Partie 2)

 

Tandis qu’elle s’enfuit, il la chope pour la deuxième fois par le col et fait la seule chose à faire dans sa situation : il pose ses lèvres rêches sur la peau de la jeune fille et enfonce ses canines pointues dans une veine bleue de son cou tendre.

 

Elle hurle de douleur, puis se tait, sonnée. Le poison sécrété par les crocs de John lui ôtant toute volonté.

Nathan se précipite pour écarter le vampire de sa (presque ?) petite amie.

 

Ilona ne voit plus rien, juste une lumière blanche qui l’aveugle. Pitié, pas le paradis… mourir vierge, franchement, quelle honte !

-Ilona, Ilona ? Est-ce que tu vas bien ?

 

Elle ouvre les yeux pour découvrir le visage couvert de tatouages de Nathan. Il a posé sa tête sur ses genoux et lui caresse les cheveux.

Sa main tremble.

– Je… qu’est-ce qu’il s’est passé ?

– Quand j’ai séparé John de ton cou, il est tombé au sol, t’entraînant dans la chute. Tu t’es cogné la tête et nous l’avons empalé. Il est tombé en poussière.

 

Il la soulève comme une poupée de chiffon. (Waaaah ! Il est fort !)

– Ouais ! On l’a enfin eu ! fait la voix de Ursula.

– C’était un peu trop rapide tout ça. Et les vampires se dessèchent quand on les empale, ils ne tombent jamais en poussière.

La silhouette encapuchonnée de la louve hausse les épaules.

– Son esprit rusé légendaire l’aura abandonné. Bon, tu t’occupes d’elle ? À mon avis, tu ferais mieux de la tuer tout de suite pour qu’elle ne souffre pas.

Nathan emporte Ilona un peu plus loin sans répondre, puis il la pose au sol à l’abri du regard de ses collègues. Il la maintient debout, car elle tremble trop et se penche pour lui parler – il fait une tête de plus qu’elle.

– Ilona, qu’est-ce que tu faisais ici ?

– J’allais faire des courses. Et toi, pourquoi tu m’as dit que tu venais me retrouver ?

– Je pensais m’occuper du vampire d’abord et te voir après. On doit causer.

(Oh-oh…) Es-tu vraiment sûre de vouloir sortir avec moi ?

– Hein ?

– Je ne suis jamais là. Peut-être que tu veux voir des garçons de ton âge – humains, de préférence – et qui ne sont pas des tueurs professionnels ?

 

Elle cligne des yeux, n’en croyant pas ses oreilles.

– Tu as quel âge déjà ?

– Vingt-quatre ans.

– Ah. J’avais oublié, c’est vrai.

Elle baisse la tête, les larmes aux yeux. Il n’est pas si vieux que ça, si ?

– Je suis dangereux et pas politiquement correct. Je ne crois pas que ta famille m’apprécierait…

 

Ça y est. De grosses gouttes salées coulent sur ses joues. Elle lutte pour les lui cacher, tête baissée, mais il n’est pas complètement stupide.

– Ilo…

– Pourquoi tu me dis de telles horreurs ? C’est la deuxième fois que je te vois et tu me dis que tu veux rompre ?

– Hein ? Non, non !

– Tu sais, je ne sors pas avec n’importe qui. Et je savais déjà que tu étais une personne dangereuse, vu que tu m’as poursuivie et menacée avec un couteau lors de notre première rencontre. Je t’aime vraiment. Mais si tu préfères aller avec quelqu’un d’autre je ne…

– Non ! Je voulais avoir ta… confirmation. On s’est un peu précipités et je croyais que tu te lasserais d’avoir une relation à distance.

– Je ne suis pas comme ça, se vexe-t-elle un peu.

 

Ses yeux s’adoucissent et il ramène sa tresse blonde derrière son épaule, lui saisissant le menton et murmurant contre ses lèvres :

– Je m’assurais simplement de ce que tu désires vraiment… mais je ne savais pas que tu m’aimais.

La bouche d’Ilona s’ouvre comme celle d’un poisson hors de l’eau et elle cligne des yeux :

– J’ai pas dit ça !!

– Oh que si ! ricane-t-il avec un sourire triomphant.

 

Elle fait la moue. Elle ne supporte pas de s’être livrée aussi rapidement et facilement. Ça lui a échappé, ce qui la perturbe un peu parce que cela ne lui arrive jamais.

– On va se boire un truc ? Non, réfléchit-il, j’ai une meilleure idée : un ciné. Avec ma tête, les gens flippent.

Elle se souvient soudain qu’à la base elle est partie pour faire des courses… Bof, ça attendra.

– Moi j’aime bien tes tatouages. Ça te rend exotique, dit-elle en rougissant comme une pivoine.

 

Il la prend par les épaules en riant et lui plante un baiser sur le haut du crâne.

Ils retournent vers la route, sortant du grand parc et il met sa capuche.

– Alors ? Quoi de neuf ?

– Rien de spécial, je prépare mes exams et supporte ma soeur qui fait une fausse dépression. Ah ! À propos, comment va Steve ?

 

Il hausse les épaules, n’appréciant pas de parler de l’ex de sa girlfriend.

– Il a fait son récalcitrant au début, mais maintenant il file droit.

– En quoi consiste la formation de gens comme toi? fait-elle avec curiosité.

– Moi je savais dès le départ que je deviendrais un chasseur, car j’adore ça. Et rester enfermé ne me convient pas. Alors, je me suis entraîné depuis longtemps pour le combat et la course, puis j’en ai parlé à mes professeurs pour qu’ils ne me fassent pas faire trop de trucs d’intellos.

Ensuite ils nous ont sélectionnés parmi les plus prometteurs, ils éliminaient les plus faibles, les peureux ou ceux qui n’étaient pas faits pour ce job, puis j’ai suivi une formation.

– Et en quoi consiste ton travail exactement ?

– Nous nous occupons de traquer et tuer des vampires, neutraliser des loups en cavale qui peuvent s’avérer dangereux ou amener ceux qui ne savent pas ce qu’ils sont au sein de la meute principale. Mais j’ai aussi joué les gardes du corps une fois.

– Moi je n’ai pas vraiment d’idées pour plus tard.

– Tu veux voir quoi comme film?

– Avengers.

– Je croyais que tu aimais les trucs plus… enfin, plus « fille ».

– C’est ça. Et pourquoi pas les bisounours?

 

Ils arrivent au cinéma et il insiste pour payer les billets. Elle note que son capuchon, assez large, dissimule la partie droite de son visage sans qu’on puisse le trouver louche.

Elle entr’aperçoit soudain une camarade de son cours d’espagnol qui la dévisage avec curiosité. Zut. C’est la pire pipelette du lycée, elle est à l’origine du 3/4 des rumeurs qui y circulent. Ilona aura à se justifier plus tard.

 

Nathan lui offre une boisson et une glace. Il se prend la même chose ainsi qu’un paquet de pop-corn à partager.

– Je viens de voir une connaissance…

– Ah ouais ? T’auras qu’à lui dire qu’on est ami, ta réputation sera intacte.

– Elle ne me croira jamais.

– Tu ne sais pas mentir ? s’étonna-t-il

Ils s’installent dans les fauteuils situés tout à l’arrière, car il aime avoir une vue d’ensemble sur la salle.

– Non, je préfère rester honnête d’habitude, ironise-t-elle.

– Je vais t’apprendre : déjà tu ne dois pas détourner ou cligner des yeux, sinon c’est trop suspect. Regarde-la bien en face et parle-lui sans buter sur les mots. Ensuite, évite de tripoter tes mains, ou de te dandiner. Puis n’insiste pas si elle te vanne. Elle verra que ça ne t’affecte pas et en déduira que je ne suis qu’un pote. Argumenter la conforterait dans l’idée que je sors avec toi.

-Est-ce que tu as dû suivre des cours pour apprendre à mentir aux humains durant ta formation ?

-Bin, en réalité je devais justifier mes retards répétitifs à mes parents le soir.

Elle s’étouffe de rire en buvant son coca. Le film commence.

 

Deux heures, deux glaces et un pop-corn plus tard ils sortent du cinéma.

– Ça te dérange si je ne te prends pas la main ? J’ai la peau plus sensible que les humains et ça me stresse, les contacts physiques…

– Et moi je n’aime pas les démonstrations d’affections au milieu de la rue.

– Je crois qu’on est faits pour s’entendre, lui sourit-il.

– Oui. (Elle est songeuse un instant.) Mais alors, comment fais-tu pour coucher avec quelqu’un ?

Il trébuche.

– Hein ?! Tu penses à quoi là?!

 

Elle hausse les épaules.

– Pure curiosité scientifique. Ça m’intéresse d’en savoir plus sur ton peuple et toi.

Il la regarde de travers et ils continuent à marcher. Le soleil va bientôt se coucher et les passants se dépêchent de rentrer chez eux, contrairement au couple qui flâne.

– Plus je suis longtemps avec une personne, plus je m’habitue à elle, à son odeur, à sa présence… Mais c’est plus simple avec quelqu’un de mon espèce.

 

Il s’arrête brusquement, pris d’un énorme doute.

– Qu’est-ce que tu as ?

– Tu… t’as quel âge Ilona ?

– Dix-huit ans. Pourquoi ?

– Ouf ! Non, pour rien, mais si tu avais été mineure…

– T’aurais rompu ?!

– Non. J’aurais attendu avant de faire ça.

– Ça ?

– Ça !

Il la pousse dans l’ombre d’une ruelle et lui bloque les épaules contre le mur. Il se penche lentement sur ses lèvres et elle lui entoure le cou de ses mains, charmée.

 

 

– Tu rentres à cette heure-ci ?

Il est temps de mettre en pratique les conseils de Nathan : Ilona respire calmement et regarde sa mère dans les yeux, tout en se débarrassant de son manteau.

– J’ai croisé un ami, on s’est maté un ciné.

– Et mes courses ?

– Les voilà.

 

Elle tend le cornet à sa mère et monte dans sa chambre, jubilant de l’avoir bluffée.

– Un « ami », hein ? ricane Jenna, appuyée contre la rambarde de l’escalier. On va te croire, tiens !

– C’est un pote. Mais pour toi, un mec, c’est à usage unique, comme les mouchoirs. Je me trompe ?

 

Sa soeur rougit et s’enferme dans sa chambre. Elle va certainement revenir à la charge, ou se plaindre à leur mère, mais Ilona ne se laissera pas faire. Elle entre dans sa propre chambre et ôte son écharpe devant la glace. Elle remarque une rougeur à la base de son cou, qui ne peut pas être un suçon vu que Nathan l’a juste embrassée. Bah, ça ne doit pas être important. Elle le cachera avec du fond de teint.

 

Elle est sur un petit nuage, car son chéri reste encore le lendemain. Elle pourra manger au restaurant avec lui, ou se balader peut-être ? Comment se préoccuper d’une rougeur quand on vient d’être embrassée par la personne qu’on aime ?

 

C’est néanmoins une grave erreur. Car pendant cette nuit -la nuit précédant celle de Noël – Ilona se lève, obéissant à une voix et sort dans le froid pour accomplir un dessein méconnu.

Au matin, elle ne se souviendra de rien.

 

À suivre

 

 

Note de l’auteur : Les personnes entre 16 et 25 ans reconnaîtront peut-être le titre ! Je n’avais pas du tout fait le rapprochement au début et quand je m’en suis rendu compte, j’ai décidé de le garder, c’est un petit clin d’œil. Pour ceux qui n’ont pas compris, je vous donne un indice : ça a un lien avec le nom de l’héroine…

Joyeux Noël à tous !

Noël, que du bonheur (Partie 1)

Noël, que du bonheur (Partie 1)

 

Une fine couche de neige recouvre Maxim Street. Les arbres, d’où pendent des stalactites, sont gelés, donnant au paysage un air de conte de fées. Ilona Simmons, les joues rougies par le froid, est emmitouflée dans une veste chaude, un bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles et une écharpe autour du cou. Elle a attaché ses cheveux en une tresse indienne.

 

À première vue, cette jolie fille en terminale rassemble toutes les caractéristiques pour être une de ces filles mignonnes –et qui le sait –, pom pom girl et cruche sur les bords.

 

Mais pas Ilona. C’est plutôt sa petite soeur qui est comme ça. Elle lui a piqué son copain (bon, OK, sans s’en rendre compte), c’est une vraie tête de linotte et une fille superficielle. Elles ne s’entendent pas très bien. Ilona préfère son petit frère et sa grande soeur.

 

Elle sort son portable de sa poche pour vérifier encore une fois si elle n’a pas reçu de message. Depuis Halloween, elle sort plus ou moins avec un loup-garou tatoué et vaguement mortel. Le problème est qu’il vit à Yukon, au fin fond du nord du Canada, et qu’il n’envoie jamais de messages (ce qui rend le dialogue difficile).

 

Contrairement à elle qui a les yeux bleus et les cheveux blonds, il est noiraud et ses yeux ébène reflètent son âme de tueur. Toute la partie droite de son visage est couverte de tatouages aux motifs mystérieux qui signifient qu’il peut sortir du territoire des loups-garous.

Il ne lui a envoyé que deux messages en deux mois, mais hier elle a eu la surprise de recevoir quelques mots : demain j’arrive. A +

 

Elle ne sait pas où, quand ni comment. Elle a tenté de lui téléphoner, mais il n’a pas décroché.

Elle arrive à la hauteur de sa maison et entre. Sa mère lui fourre un sac à commission dans les mains, ainsi qu’un billet.

Oh non ! gémit la jeune femme. Je viens à peine de rentrer, et on se les gèle dehors.

-Ton frère et ta soeur ne sont pas encore rentrés.

-Mais Jenna est ici !

 

Sa mère met les mains sur les hanches et regarde sa fille avec sévérité, comme si elle venait de crier « motherfucker ».

– Ta soeur est allée pleurer dans sa chambre.

– On le saura qu’elle a un chagrin d’amour, grince Ilona.

– Que dis-tu?

– Si Steve n’avait pas disparu, je suis sûre qu’elle ne serait même plus avec. Et à part pleurer, elle ne fait pas grand-chose pour le retrouver.

– Ah oui ? Et par où commencerais-tu les recherches ? Il peut être n’importe où !

– Si c’est véritablement la personne que tu aimes, tu dois faire tout ton possible pour la revoir ! s’exclame Ilona un peu trop fort.

 

Sa mère hausse un sourcil.

– Tu n’es jamais tombée amoureuse… à moins que tu ne me dises pas tout.

– Non, maman, se reprend-elle. Je crois juste que Jenna se donne beaucoup de peine dans son rôle de tragédienne grec.

– Tu comprendras ce que sont les véritables sentiments un jour ma chérie, sourit-elle. Mais ça ne risque pas d’arriver si tu passes ton temps enfermée ici ! Tu ne sors pas beaucoup dernièrement. Je sais que tes futurs examens t’empêchent de penser à autre chose, mais fais un effort. Va au cinéma ou ailleurs.

– Tu veux m’obliger à m’amuser ?

– Oui. C’est un ordre !

 

Ilona souffle par le nez pour marquer son mécontentement, lâche son sac d’écoles par terre et sort en traînant les pieds. Elle ne veut pas discuter davantage de garçons avec sa mère, parler de Nathan encore moins, car :

  1. C’est un loup-garou.
  2. Il est couvert de tatouages.
  3. Il a poignardé son ex.
  4. Il ne veut pas qu’Ilona le présente à quiconque. Elle ne doit dire à personne qu’il existe, car il doit maintenir son existence secrète chez les humains.

 

Elle remonte la rue et se dirige vers les magasins. Elle traverse le grand parc près de chez elle, car le chemin est très joli en cette saison.

Mauvaise idée…

Inconsciente du grave danger qu’elle court, elle avance sur l’herbe gelée en zigzaguant entre les troncs, quand soudain elle entend un aboiement. Elle s’arrête, surprise, puis continue son chemin en haussant les épaules.

 

Quelques secondes après, elle voit surgir un homme d’entre les arbres. Il est plus grand qu’elle d’une tête et demie, blond et à une peau translucide. Ilona a un mouvement de recul en le voyant, car il est très impressionnant, avec ses yeux rouges et ses habits sombres et sales.

 

Détail sordide, il n’a ni chaussures ni chaussettes.

– Qui… qui êtes-vous ? bégaie-t-elle.

– Personne d’intéressant. Vous par contre, je pourrais vous utiliser… vous m’avez l’air prometteur.

– Pa… pardon ?

 

Il braque ses yeux inexpressifs vers l’endroit d’où il est venu et de nouveaux aboiements retentissent, plus proche. Il saisit Ilona par le bras et la tire du côté opposé. Elle essaie de se dégager, mais il a une poigne de fer et si elle ne veut pas être traînée par terre, elle doit suivre le rythme effréné de l’inconnu.

– Arrêtez! s’exclame-t-elle. Vous êtes barge ou quoi ?

 

Il s’arrête dans une clairière et elle se penche en avant, mains sur les genoux. Il a fait les Jeux olympiques ce mec ou quoi ?!

– Vous… vous êtes fou. Laissez-moi m’en aller ! Ou j’appelle la police !

 

Il la chope par le col et plaque son dos contre lui. Elle frissonne en sentant son souffle glacé sur sa nuque.

– Lâche-moi s’pèce de pervers !!!

Elle a beau se débattre, il lui a passé le bras autour du cou. Si elle bouge, elle a l’impression d’être étranglée. Ce mec forme une véritable cage vivante, on dirait qu’il est fait de métal.

– Ne bouge plus monstre. Tu es cerné.

 

Une dizaine de silhouettes encapuchonnées encerclent soudain Ilona et l’homme. Ils sont tous de haute taille, mais plus petits que le kidnappeur.

– Aidez-moi ! Je vous en prie !

– Ilona ?

 

Un des gars enlève sa capuche : Nathan, son loup-garou ! Elle est particulièrement contente de le voir, et pas seulement parce qu’elle l’adore. Il est très efficace en combat – elle l’a appris à ses dépens !

-Tu connais cette fille ? Qui est-ce ? Comment te connaît-elle ?

Ilona fronce les sourcils. C’est la voix d’une femme, venant de la droite du jeune homme.

 

Une rivale, déjà ?!

– Alors, Hommes-Loups… Vous connaissez cette jeune personne ? Elle a de l’importance à vos yeux ?

– Ne lui faites pas de mal, John ! dit Nathan. On va trouver une solution.

– Nathan ! On n’a pas besoin d’elle, une victime de plus ou de moins, quelle différence ?

– Mais…

– Obéis, ordonne la louve.

– Ursula, l’Alfa a dit : pas d’humain mort, intervient un autre.

 

Elle grogne comme un animal en colère :

– Mais il a aussi dit que les gens au courant de notre situation peuvent être réduits au silence s’ils nous mettent en danger.

Ilona lâche un cri terrifié ; lors de sa visite à Halloween, Nathan a omis de lui mentionner ce petit détail !

-Tu es censé me garder en vie Nathan ! Je sors avec toi, j’te signale.

Les gens portant des capuches se tournent vers lui comme un seul homme. Il tente de dissimuler sa gêne en toussant. La femme s’appelant Ursula murmure d’une voix sourde, chargée de colère :

– Tu sors… avec une simple humaine ? Avec le patrimoine génétique que tu as ? Tu sais qu’il y a des louves qui tueraient pour toi !? Que vont dire…

– Laisse mes parents en dehors de ça. Je ne suis jamais vraiment sorti avec elle. On a juste échangé nos numéros, rien de plus.

 

Ilona manque s’étrangler de rage. Comment ça, jamais sortis ensemble ? Bon, là-dessus il dit vrai, mais quand ils s’étaient vus à Halloween, il avait l’air de l’apprécier ! Et pas mal, même ! Elle va le dépecer quand elle réussira à échapper au vampire.

Qui sent le moisi. Bizarre. Et le renfermé. Beuh…

-Nathan, aide-moi. Je t’en prie…

Elle concentre toute sa peur dans son regard, le fixant d’un air de chien battu. Il déglutit en essayant de trouver une solution, mais ses compatriotes ne laisseront jamais filer un vampire surpuissant qu’ils traquent depuis des semaines pour une malheureuse humaine. Ça n’est pas de son ressort, car il y a le sang de centaines d’innocents sur les mains de l’immortel.

 

Il tente de jouer sa dernière carte :

– Elle était là au mauvais moment au mauvais endroit, Ursula. Ça ne la concerne pas.

– Vous ne m’avez pas un peu oublié ? fait John d’un ton sarcastique. Bon, on marchande ou pas ?

– Non. Tuez-la, on s’en fout, lâche Ursula.

Ilona sent un trou s’ouvrir dans sa poitrine. Elle va mourir. Et pas plus tard que maintenant.

 

Mais Ilona Simmons ne se laisse jamais abattre, alors elle ne se rendra pas sans blesser au moins une fois le grand blond qui chlingue.

 

– Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii, hurle-t-elle.

Elle se débat pour échapper à l’étreinte de John et elle manque y arriver. Le loup le plus proche est à deux mètres et en se glissant sous le bras du vampire, elle pourrait le rejoindre.

 

Malheureusement, John, bien qu’étant un vieux vampire de 659 ans à l’ouïe très sensible, a plus d’un tour dans son sac. Il est exténué, car les loups le traquent depuis longtemps. Il était désavantagé, car il devait se cacher dans des grottes pendant la journée (d’où l’odeur bizarre) et il a juste pu s’enfuir aujourd’hui, car le ciel était couvert.

 

L’otage qu’il a capturé peut quand même lui être utile malgré le fait que les loups ne veuillent pas la sauver.

Tandis qu’elle s’enfuit, il la chope pour la deuxième fois par le col et fait la seule chose à faire dans sa situation : il pose ses lèvres rêches sur la peau de la jeune fille et enfonce ses canines pointues dans une veine bleue de son cou tendre.

Citation mystère

Une pensée, un morceau de dialogue ou une idée, cette courte citation vient d’un personnage qui n’a pas été créé sur papier, mais qui est pour l’instant seulement dans mon imagination. Qui sait, peut-être prendra-t-il (elle?) vie un jour ?

« C’est comme s’il prenait un plaisir malsain à briser chacune des parties de mon être, mon corps aussi bien que mon âme, réussissant à meurtrir des choses en moi-même dont je ne connaissais pas l’existence –et que je ne pensais pas non plus pouvoir être détruites avec autant d’application… »

–  ???  –

Under la cathé 4

Je ne comprenais rien. Je ne comprenais pas comment j’avais pu me retrouver dans cette situation. Pas parce que j’étais un gars futé et toujours aux aguets… autant ne pas trop se fourvoyer ! J’étais peut-être intelligent, mais je ne possédais pas cette étincelle de vie qu’on admire chez les génies.

Non. Je croyais pouvoir échapper à des ennuis éventuels parce que j’étais un garçon sans histoire. Je ne cherchais des ennuis à personne, je fuyais les gens violents comme la peste… alors pourquoi me retrouvais-je soudainement kidnappé, battu et ligoté à même le sol ?

– Pour la troisième fois, répéta l’homme, où se trouve la planque de ton patron ?

Il portait un jean et un t-shirt gris froissé sous une veste en cuir élimé. Je gigotai sur le sol, peinant à respirer. J’avais le goût de mon propre sang dans la bouche, probablement une côte fêlée, et la position que j’avais par terre me donnait mal à l’épaule.

– Quel… Quel patron ? bafouillai-je.

Il soupira et un de ses hommes de main me décrocha un autre violent coup de pied dans l’estomac. Tout l’air contenu dans mon diaphragme sembla se vider.

J’étais sorti du gymnase vers 18 heures à cause d’un cours qui avait été déplacé et le soleil n’était déjà plus qu’une lumière pâlotte à l’horizon. Sur le chemin, ces types m’avaient abordé, soi-disant pour me demander leur chemin, et l’un d’eux m’avait assommé par-derrière. Je n’avais pas perdu connaissance, mais la douleur avait été suffisamment violente pour m’empêcher de m’échapper. Ils m’avaient jeté dans le coffre d’une voiture et à présent ils « m’interrogeaient » à coup de grandes claques dans le visage.

J’eus peur.

Pour la première fois de ma vie, j’eus vraiment peur.

– Je ne comprends pas ce que vous me voulez ! suppliai-je. Je ne suis qu’un simple étudiant, je n’ai pas de patron !

Le type à la veste en cuir alluma une cigarette, me dévisageant d’un air agacé.

– Tu te fous de notre gueule, morveux. On sait que tu bosses pour Clément. (Il se pencha sur moi, je tentai de reculer malgré mes liens.) On t’a vu lui parler l’autre soir.

Il me choppa par les cheveux et les tordit pour que je le regarde en face. Je serrai les mâchoires pour m’empêcher de gémir, grimaçant.

– Mais qui ?! De qui vous parlez ?!

– De ce putain de Clément Sandoz ! Ce fumier nous a entubés de vingt-cinq mille francs ! (Ses doigts se resserrèrent pour me faire encore plus mal au crâne.) Et un de mes gars t’a pisté la semaine passée, tu es allé enterrer un cadavre pour lui !

Je me figeai.

– Quoi ?

– Je sais pas ce qu’il fait avec ces bonnes femmes, renifla-t-il, s’il les viole ou quoi, mais c’est toujours toi qui t’occupes de te débarrasser des corps. Tu es à sa botte, hein ?

Je clignai des yeux, n’en croyant pas mes oreilles. Ses types m’avaient vu faire disparaître les «repas » d’Armelin. Mais on aurait dit qu’ils le prenaient pour un autre. Qu’est-ce que mon ancêtre trafiquait ? Qui étaient ces espèces de prêteurs sur gages à qui il devait de l’argent ? Et surtout, comment leur échapper et me sortir de ce trou à rats ?

– Ce n’est pas mon boss, mentis-je, c’est mon grand-pè… euh, mon oncle !

L’homme fronça les sourcils et les grosses brutes dans son dos se firent plus attentives.

– Ah ouais ? lâcha-t-il d’un air sceptique. Il est pourtant vachement jeune pour être ton oncle.

– Mon père et lui ont vingt ans d’écart, inventai-je dans une tentative désespérée de le distraire. On se ressemble pas beaucoup, physiquement, mais c’est mon oncle.

– Et alors, grogna-t-il, que veux-tu que ça me foute ?

– C’est pourtant évident ! (Il fallait que je sorte d’ici.) Nous sommes de la même famille. (Que je me dépêche.) Nous… avons le même sang. (VITE.) Donc, logiquement, nous habitons au même endroit !

Quelle logique de merde… D’ailleurs, il ne sembla pas me croire une seconde.

– Quoi ?

– Oui, fis-je vivement, m’enfonçant un peu plus. Nous vivons au même endroit, je peux vous y conduire. Si on y va maintenant, on y sera d’ici…

Son pied s’écrasa sur mon visage, j’eus l’impression que mon nez explosait. Je hurlai malgré moi.

– Ta gueule, aboya-t-il. Arrête de mentir, petit con ! Tu dis des conneries ! Clément vit seul dans une espèce de petit appart ’ miteux, il a pas de famille !

– Je vous jure ! paniquai-je. Croyez-moi !

– Où est-il bordel !? Où … est … Clément !!?

Il ponctua chacun de ses mots par des coups de poing, je ne pus m’empêcher d’appeler au secours –ce qui était complètement ridicule puisque je me trouvais dans un endroit isolé où personne ne pouvait m’entendre.

Soudain, l’atmosphère sembla se figer, même le prêteur sur gages et ses gorilles semblèrent le sentir. Ils se tendirent et se tournèrent vers la porte, comme s’ils avaient entendu un bruit. Je me recroquevillai sur moi-même pour essayer de reprendre mon souffle et atténuer la douleur. En vain.

Il y eut quelques secondes de silence et le battant s’ouvrit lentement. Une silhouette émergea de l’obscurité du couloir, avançant dans la pièce d’une démarche imposante. Il portait un long manteau noir lui arrivant aux genoux, une chemise blanche sans un pli et des pantalons à pinces.

L’homme qui me posait des questions se redressa et lui adressa un sourire suffisant.

– Tiens ! Sandoz ! Nous interrogions justement ton larbin pour savoir où tu te terrais… Quelle coïncidence.

Armelin ne l’écoutait pas. Il me regardait d’un air que je ne lui connaissais pas, un mélange d’attente et de réflexion mêlées, je crois. Je ne suis pas sûr d’avoir interprété son expression correctement. Je le suppliai du regard pour qu’il me vienne en aide -et pendant un court instant je crus qu’il n’interviendrait pas.

– Camille, fit-il doucement. J’aimerais éviter de te traumatiser. Ferme les yeux s’il te plaît.

Je m’exécutai et serrai mes paupières l’une contre l’autre ; une des premières choses que j’avais apprise quand j’avais commencé à m’occuper de mon ancêtre, c’était d’obéir à tous ses ordres, même les plus farfelus. Il tenait à ce que ses demandes ne soient pas discutées parce qu’il se considérait comme bien plus instruit que les autres membres de notre famille. Et c’était vrai qu’il avait des années d’expérience de plus que nous.

– Qu’est-ce que tu racontes Clément ? On doit discuter du pognon que tu… GARGL !!

Les bruits que les hommes produisirent à ce moment-là étaient assez spectaculaires. Et gores aussi. Il y eut un craquement que j’identifiai comme étant une nuque brisée et de monstrueux gargouillis qui évoquaient une gorge coupée qui se vide de son sang…

(Eh oui, j’avais beau avoir un papy vampire, il m’arrivait à moi aussi de regarder des films d’horreur.)

– Tu peux rouvrir les yeux, fit la voix d’Armelin, tout proche.

Je m’exécutai, il s’était accroupi pour détacher mes poignets.

– Ils s’en sont pris à toi ? demanda-t-il.

– Un peu, répondis-je.

Je tremblai encore légèrement. Il ôta les cordes à mes pieds et m’offrit son bras pour m’aider à me relever. Tous les types dans la pièce étaient morts, égorgés ou estropiés. Armelin ne semblait pas s’en formaliser. Il avait même l’air plutôt calme.

– Comment as-tu su que j’étais en danger ? Et que je me trouvais ici ?

Il me lança un regard insondable, et j’eus l’impression qu’il se demandait si oui ou non cela valait la peine de me répondre.

– Tu m’as appelé. (Il pencha la tête de côté.) Tu as dit mon nom et m’as demandé de l’aide. Tu ne t’en souviens pas ? (Je secouai la tête.) Bon. Ça ne fait rien.

Je lui tournai le dos en me grattant la tête, trop épuisé pour chercher plus loin. Je concentrai mon attention sur le moyen de nous débarrasser de ces cadavres encombrants plutôt que sur l’attitude énigmatique de mon ancêtre.

Et là, il fit quelque chose auquel je ne m’attendais pas du tout.

Il immobilisa mes épaules et plongea ses crocs profondément dans mon cou.

Je hurlai.