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Yaoi Generation !!!

Bonjour à tous! Je vais participer à la Yaoi Generation qui a lieu à Lausanne le 21 octobre! J’aurai une table d’artiste avec l’extrait de mon prochain livre, en français et en anglais! Je me réjouis d’y être!

Hello everyone! I will participate to the Yaoi Generation in Lausanne the 21st October! I will have a stand all by myself with the teaser of my next book, in French and in English! I’m looking forward to be there!

 

Yaoi Con 2017

Hello everyone! I’ll be at the Yaoi Con 2017 the 6, 7 and 8 October to present the first chapter of my Boy’s Love book: Tim and Wes! I’ll be in the artiste alley!

Salut! Je serai à la Yaoi Con 2017 les 6, 7 et 8 octobre pour présenter le premier chapitre de mon prochain livre BL (en anglais): Tim et Wes! Je serai dans l’allée des artistes!

Apprenties sorcières (2) – L’Eau

-Au revoir, je fais en sortant du magasin d’occultisme, à la prochaine.

Je vois la pluie qui tombe dans la rue. Ah, je sens que je vais avoir droit à une douche gratuite. Je rabats la capuche de mon sweat-shirt sur ma tête et me mets à courir entre les gouttes pour ne pas me retrouver trempé. La vache, il tombe des cordes ! Un vrai déluge !

Je me dirige droit vers l’abribus, mes vêtements déjà imprégnés d’eau. Je souffle et mets mes mains dans mes poches. Je vais attendre que l’averse se calme pour rejoindre le métro plus loin. Je ne suis pas pressé.

Je fixe la route où la pluie s’écoule en une sorte de petite rivière sans vraiment la voir. Mon esprit est déjà ailleurs, concentré sur autre chose. Je pense à Daphné et à la Communauté des sorciers.

La petite apprend bien tout ce que je lui enseigne ; elle ne fait pas preuve de dons exceptionnels, mais elle retient ce que je lui dis et le mets en pratique. Si on prend en compte son jeune âge, elle est très assidue.

J’ai reçu plusieurs avertissements de la part de mes pairs, et je m’attends à recevoir un blâme un de ces jours si je la garde avec moi. Oh, ça ne m’inquiète pas outre mesure, j’ai reçu de plus sérieuses menaces quand je pratiquais des sortilèges dangereux et douteux à l’époque. Mais la petite est mineure. Elle ne se rend pas compte de ce qui l’attend quand elle aura achevé sa formation. Elle devra assumer ses actes et évoluer sans appartenir à aucun clan. J’espère qu’elle saura trouver sa place et ne pas se faire écraser par les autres parias du monde des sorciers.

Je suis tiré brusquement de mes pensées en réalisant qu’il y a quelqu’un à côté de moi. Je n’ai pas entendu de bruits de pas, on aurait pu croire que cette personne s’était matérialisée sur place comme par magie.

Mon cœur rate un battement. C’est une jeune femme vêtue d’un imperméable beige sous lequel elle porte une jupe blanche et des bottes noires. Elle a à la main un parapluie immaculé avec de petites fraises rouges imprimées dessus. Elle a une allure très noble, elle se tient le dos droit sans aucun effort alors que je suis naturellement voûté. Une impression de quiétude, de bienveillance tranquille se dégage d’elle. Elle regarde devant elle, comme si elle ne m’avait pas remarqué.

-Jézabel, je dis, comme si j’avais trouvé la réponse à une question qu’on m’avait posée.

Elle se tourne vers moi, le sourire aux lèvres, pas le moins du monde surprise de me voir à ses côtés.

-Oh, Nerabass. Quelle coïncidence.

On dirait qu’elle vient d’apercevoir une vieille connaissance. Son ton léger est teinté d’ironie, je doute que ce soit le hasard qui ait fait se croiser nos chemins.

-Que fais-tu dans le coin ? je demande.

-Je me promène, et vous ?

– Je suis allé acheter des ingrédients pour montrer à ta sœur comment préparer une potion de Malédiction générationnelle, j’explique en soulevant mon sac de plantes et de flacons. Tu te balades par un temps pareil, vraiment ?

Elle m’adresse un regard malicieux, ses yeux pétillant de ruse. Une mèche de ses cheveux couleur chocolat épouse la forme de sa joue, collée à sa peau à cause de la pluie. Je réalise que la courbe de ses lèvres est tout bonnement… hypnotisante.

-J’aime tous les temps, voyons ! Le soleil est source de vie, la pluie est rafraîchissante, la neige met du baume au cœur… Je suis contente, peu importe ce que la météo nous offre. (Elle se tait, nous observons l’eau tomber du ciel en silence.) Avez-vous envie de marcher ?

-Mon frère sait-il que tu es sortie ? je lâche.

-Oui, dit-elle, surprise par ma question.

-Et sait-il que tu es en ma compagnie ? Encore ? j’insiste.

Elle fait la moue, et s’il s’agissait d’une autre, je pourrais croire qu’un éclat de condescendance est en train de briller dans ses yeux bruns.

-Non. Je n’ai pas de compte à lui rendre. Et il ne s’intéresse pas à mes déplacements.

Elle se passe les doigts dans les cheveux, les ramenant en arrière, et s’avance au bord de la route. Elle traverse après avoir laissé passer une voiture. Je la suis.

Bizarrement, imaginer qu’Arthur sait qu’elle est avec moi en ce moment me rassurerait. Qu’une personne responsable et avec la maturité nécessaire soit au courant du genre de sale type avec qui elle parle occasionnellement. Comment parvient-elle à le duper ?

Et d’ailleurs, domment arrive-t-elle à me surprendre à chaque fois ?

-Un jour j’aimerais bien arriver à comprendre comment tu réussis à me trouver… Je suis bardé de sorts empêchant ma localisation et suis normalement invisible aux yeux de mes pairs.

-Je vous l’ai dit, fait-elle avec une indifférence suspecte, c’est une coïncidence. J’étais sortie uniquement pour me dégourdir les jambes. (Elle me jette un regard de biais, inquiète soudain.) Vous n’êtes pas content de me voir ?

-Au contraire, je suis toujours heureux quand nos chemins se croisent… mais je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée que nous passions du temps ensemble.

-Ah ? Pourquoi ?

Je choisis soigneusement mes mots. Nous marchons côte à côte le long des hautes grilles d’un parc. Petit à petit la pluie imprègne mon sweat noir et mon jean qui se gorgent d’eau, pourtant je ne ressens pas le froid. Je suis immunisé.

-Je suis beaucoup plus âgé que toi. J’ai une très mauvaise réputation parmi les sorciers. Je ne voudrais pas que tu ruines tes chances de succès en étant avec moi…

-Nous ne faisons que discuter, où est le mal ?

-… et tu sers le Bien. Nos voies sont opposées, nous sommes des ennemis naturels. (Elle lève les yeux au ciel, mes mots ne la convainquant pas.) Jamais nous ne pourrons être amis, ou nous entendre.

-Ne me dites pas que vous croyez à ces bêtises, s’agace-t-elle . Je vous pensais un peu plus subtil que ça !

Nous entrons dans le parc, nous suivons le chemin qui serpente à travers le gazon d’un vert radioactif. Des gens nous dépassent, pressés.

-Nous sommes complémentaires, reprend-elle d’un ton plus calme. Nos voies dépendent l’une de l’autre, le Bien et le Mal sont les deux faces d’une même pièce.

En même temps qu’elle dit cela, je sens son propre pouvoir l’entourer comme une aura positive et chaude. Invisible, elle m’englobe moi et tout ce qui l’environne, je dois me concentrer pour ne pas être aspiré. De telles capacités à un âge aussi jeune, alors qu’elle n’a qu’une année de Formation derrière elle… je crains pour l’avenir de la voie du Mal, vraiment ! Même moi, avec toute l’expérience que je possède, je dois être attentif à ce que mon énergie négative ne soit pas lentement mais sûrement érodée par la sienne.

Elle tourne brusquement son visage vers le mien et j’ai la sensation qu’elle a suivie exactement le même cheminement de pensée que moi. Sans qu’elle ait besoin de le dire à haute voix, je sais qu’elle craint de me faire souffrir.

-Ne t’inquiète pas, je la rassure, je suis assez fort pour ne pas être submergé par ton pouvoir. (J’éclate de rire, réalisant soudain : ) C’est le comble ! D’habitude je dois contenir le mien pour ne pas écraser les autres sorciers, et là c’est toi qui es pleine d’égards. Une jeune apprentie du Bien qui se fait du souci pour un dangereux criminel en cavale qui sert le Mal .

Elle réfléchit, nous passons près d’un étang qui reflète les nuages gris. Sa surface est troublée par la pluie qui tombe inlassablement.

-C’est vrai que vous êtes incroyablement puissant, murmure-t-elle.

-Pas tellement, je la corrige vivement. De nombreux sorciers sont aussi forts que je le suis, et mon frère…

-Votre frère est un imbécile, me coupe-t-elle.

Je cligne des yeux, surpris par son ton assuré, puis me reprends.

-Je ne vais pas prétendre le contraire, je ricane. C’est un crétin prétentieux imbu de lui-même et condescendant. Néanmoins, il s’agit de ton Maître, et tu ne l’as pas choisi pour…

-Je l’ai choisi en sachant qu’il était un imbécile, m’interrompt-elle à nouveau. (Son regard se perd dans la contemplation d’un couple d’oiseaux qui vole au-dessus des arbres ; on dirait qu’elle m’a oublié, mais elle poursuit.) Je l’ai choisi parce que je savais qu’il accepterait pour vous mettre des bâtons dans les roues. Ça m’était égal. Je crois que, d’une certaine manière, je voulais narguer ma sœur et lui prouver que même en suivant la voie du Bien on peut accomplir de grandes choses.

Soudain ses pieds décollent du sol et, avec la légèreté d’une bulle de savon, elle s’élève dans l’air pour se mettre à flotter. Je l’observe, estomaqué. Elle semble tellement sereine… les yeux clos, les traits détendus et son parapluie toujours à la main… Je me perds dans sa contemplation, fasciné par la facilité avec laquelle elle joue avec la magie, semblant ne même pas avoir eu besoin de l’apprivoiser. Elle la manie comme si elle ne faisait qu’un avec elle, on dirait qu’elle l’utilise comme elle respire, parfois sans même s’en rendre compte.

-Mais je regrette à présent, lâche-t-elle en ouvrant les yeux. En la provoquant, je l’ai rendue encore plus hargneuse. Elle est tout le temps en compétition avec moi, elle cherche désespérément à me surpasser au lieu de se surpasser elle-même. (Elle m’adresse un regard empreint de compassion.) Quant à votre frère…, il s’obstine à vous haïr parce qu’il n’a pas votre renommée. Il ne s’est pas rendu compte que vous êtes parti pour le protéger, et non pas pour le rabaisser.

Elle descend doucement et ses bottes touchent le sol. Elle atterrit en douceur et repart comme si de rien n’était, avançant jusqu’à une gloriette devant nous. Une fois au sec elle plie délicatement son parapluie et s’assied sur un banc. Je reste à un mètre d’elle, debout, et m’appuie contre la rambarde. J’ôte ma capuche et ébouriffe mes cheveux noirs trempés. Une goutte tombe d’une mèche de ma frange et s’écrase sur ma joue.

-Tu sembles penser que tu es douée pour cerner les hommes ! je remarque -un brin sarcastique.

Elle éclate de rire. Le son est léger, cristallin.

-Oh, pas seulement les hommes. J’arrive à cerner les gens très vite, et très bien.

-Je serais curieux de savoir ce que tu as à dire à mon sujet.

-Oh, vous n’êtes pas si difficile à comprendre.

-Vraiment ? je siffle.

Elle se lève et croise les bras, m’examinant comme un spécimen intrigant, puis elle pose son index sur son menton.

-Vous êtes un homme qui joue un rôle, le rôle du vilain sorcier adepte d’occultisme et qui en plaisante. Cet humour que vous avez -et qui est terriblement craquant, si vous voulez mon avis – fait partie de votre personnage et cache en réalité à quel point vous souffrez. (Je fronce les sourcils.) Vous vous isolez des autres, mais au fond vous vous sentez seuls. Vous repoussez vos pairs, affichez de terribles tatouages sur tout le corps pour faire fuir les sorciers, mais personne n’a jamais compris que c’était pour les protéger.

-Les protéger de quoi ? je la coupe abruptement.

-De votre immense pouvoir. (Elle s’approche de moi, je reste muet.) C’est pour ça que vous avez fui votre frère et votre famille. Nerabass, vous n’êtes pas comme eux, et vous aviez peur de les blesser.

-Non, je me suis tiré parce que les Serviteurs du Mal étaient traités comme des loques par mon clan, je corrige.

-En partie, oui. (Elle pose la main sur mon bras, je baisse les yeux, surpris par son geste.) Mais au fond, je sais que vous êtes quelqu’un de bien.

-Je n’ai jamais rien entendu d’aussi absurde, je lâche d’une voix blanche.

-C’est d’ailleurs la différence fondamentale qu’il y a entre nous, continua-t-elle, ne semblant pas m’entendre. Vous êtes un faux méchant… (Elle lève les yeux sur moi, tout mon corps est soudain parcouru d’un frisson.) …alors que moi je ne suis pas une vraie gentille.

On dirait qu’elle vient de me confier un lourd secret, j’ai du mal à lire entre les lignes et à saisir le véritable sens de ses mots. Je suis trop agité pour me pencher dessus, troublé par sa proximité ; j’en ai assez de son analyse, de son ton assuré… Je lui chope le poignet et glisse mon bras dans son dos pour l’attirer à moi. Je me sens très satisfait en la voyant papillonner des yeux et perdre un peu de son aplomb.

-Ah oui ? Je suis un faux méchant ? je susurre, venimeux. Tu me sous-estimes Jézabel : je suis un des plus dangereux sorciers du vingt et unième siècle. J’ai tué des dizaines de personnes lors de duels. Je leur ai ôté la vie et leur pouvoir est venu alimenter le mien. J’ai lancé des sortilèges qui ont conduit des villages à la famine, mes colères ont soulevé des ouragans qui ont dévasté carrément des pans entiers de pays. Je vis et me repais de l’obscurité, du malheur des gens et du sang versé.

Elle m’observe attentivement puis, de sa main libre, elle effleure ma joue de l’index et vient caresser ma lèvre inférieure. Ma peau brûle à son contact.

-Je n’ai pas peur de vous, murmure-t-elle.

-Tu devrais pourtant. (Elle veut poser sa tête contre mon torse, je tente de la repousser, riant : ) arrête ! Tu vas être mouillée !

Elle ne m’écoute pas et pose sa tempe contre ma poitrine, je soupire. Ses cheveux vont être humides et ses mains aussi. Je resserre mes bras autour d’elle. Son pouvoir est chaud, rayonnant, je peux presque sentir mon sweat sécher à son contact. Je me laisse emporter un instant par sa force, serein tout à coup.

-Oui, je répète. Je suis toujours heureux quand nos chemins se croisent.

Elle sourit, fermant les yeux. Elle écoute mon cœur, qui lui dit que je suis sincère.

-Moi aussi, souffle-t-elle.

Nous restons immobiles pendant cinq, dix, vingt minutes. À l’abri sous la gloriette, la pluie continue de tomber tout autour de nous. Des personnes passent de temps à autre sur les sentiers au loin, ne nous voyant pas, ou ne faisant peut-être pas attention à nous.

Elle se recule soudain et lève ses yeux couleur chocolat au lait sur moi.

-C’est la cinquième fois que nous nous voyons de la sorte, dit-elle. Est-ce que vous seriez d’accord de… m’embrasser ?

-Je ne sais pas, je soupire. J’ai seize ans de plus que toi, et j’ai tout de même une morale…

-Alors, on va dire que je ne vous laisse pas le choix. Fermez les yeux, fait-elle dans un souffle.

J’obtempère, amusé qu’elle mène la danse. Je n’ai jamais participé à ce genre de petit jeu. Si c’est nouveau pour elle, ça l’est aussi pour moi.

Elle pose ses mains sur mon torse et je la sens se hisser sur la pointe des pieds. Le temps reste suspendu, je sens son souffle sur mes lèvres ; c’est un supplice et un délice, je n’ai jamais ressenti cela auparavant. Quand elle pose sa bouche sur la mienne c’est une délivrance. Sa peau est fraîche et humide à cause de la pluie, ses cheveux coupés au carré caressent mon menton. J’en veux plus.

Je saisis son poignet et approfondis notre baiser. Elle gémit, surprise par mon ardeur.

-Je suis ravie de constater que la langue de cabri peut aussi être utilisée à bon escient, souffle-t-elle en se reculant, rieuse.

Je ris et ouvre les paupières. Elle n’est plus là.

Je regarde aux alentours puis baisse les yeux sur mes doigts, qui retenaient son poignet. À présent ils sont en train de serrer son parapluie blanc imprimé de petits cœurs rouges. Elle a disparu, me laissant seul avec la pluie.

Et avec un petit morceau d’elle. Je souris.

-Ça, c’est de la belle magie, je murmure, admiratif. Je suis… conquis.

J’ouvre le parapluie et quitte la gloriette, m’en allant d’un pas léger.

 


Note de l’auteur: Pour ceux qui ont remarqué pour le parapluie, oui c’est fait exprès 😀

Under la cathé 8

Grâce à ma bonne nuit de sommeil, mon humeur s’améliora. Mais je faisais toujours des rêves étranges et confus, où les sons m’agressaient et les ombres se mélangeaient en une masse indistincte. C’était très étrange.

 

Je restais fidèle à moi-même, allant au gymnase, m’occupant d’Armelin, faisant mes devoirs, mes rapports avec ma famille s’étaient un peu détendus et mon quotidien était aussi normal qu’il avait pu l’être jusqu’à maintenant.

Enfin, jusqu’à aujourd’hui…

 

Je m’étais réveillé d’humeur neutre ce matin, mais soudainement, à midi, elle changea d’un coup. Le soleil passant par la fenêtre se mit à m’agresser les yeux et je le sentais presque me transpercer la peau pour atteindre mes os. Je changeai de place pour être à l’ombre, mais je n’arrivai pas à calmer ma colère, à fleur de peau et énervé. Je n’avais pas envie de voir qui que ce soit et voulais tuer tout le monde.

 

Malheureusement, j’avais encore trois cours et n’étais pas le genre de gars à sécher sans avoir une bonne raison. Je tentai de me raisonner et me calmer pour supporter mon après-midi en classe avec mes camarades, mais rien n’y fit. Plus le temps passait, plus mon agacement croissait. Le bruit du stylo que Maxence faisait tourner dans sa main m’insupportait, les faux ongles d’Alex sur le bois de la table me donnait envie de les lui arracher un à un et les commentaires chuchotés à mi-voix dans mon dos à propos du cours m’arrachaient des soupires exaspérés. Ne se rendaient-ils pas compte qu’ils étaient bruyants ? Fatigants ? Invivables ? Les minutes défilaient, mes pensées s’obscurcissaient à m’en faire peur. Je m’imaginai foutre le feu à la classe, briser des nuques et balancer mon bureau par terre. Même mon voisin de table le sentait –il me jetait des regards en coin, franchement mal à l’aise.

 

Le poing serré à m’en faire péter les jointures, je levai la main droite, le visage dur.

 

-Madame ? fis-je, tendu comme un arc. Est-ce que je peux aller aux toilettes ?

 

La prof d’histoire me lança un regard inquisiteur par-dessus ses lunettes d’intello.

 

-C’est bientôt la pause… Vous ne pouvez pas vous retenir d’ici là ?

 

Il y eut quelques ricanements de circonstance qui me donnèrent envie d’envoyer mon cahier voler à travers la pièce. Je fis non de la tête d’un mouvement sec, elle soupira.

 

-Eh bien allez-y, lâcha-t-elle d’un petit ton fataliste.

 

Je me levai et sortis d’un pas martial. Une fois la porte refermée derrière moi, je me mis à marteler le sol. J’étais furieux contre la prof, furieux contre les élèves, la terre entière et moi-même de ne pas avoir un meilleur self-contrôle. J’avais l’impression d’avoir toujours été en rage et que la violence que je sentais en moi ne faiblirait jamais. Je voulais boxer les murs, j’en avais marre de traverser toujours le même couloir encore et encore depuis le début de l’année. Qu’est-ce qui m’arrivait ?

 

La porte des wc heurta le carrelage et le son que la poignée en métal produisit contre les catelles me procura une satisfaction morbide. Si je ne m’étais pas dominé, j’aurais fait volte-face et aurais saisi le battant pour le renvoyer dans le mur. Comme ça. Juste pour le plaisir.

 

J’ouvris le robinet d’eau et en recueillis au creux de mes mains pour m’asperger le visage, un peu de fraîcheur me fit du bien. Je restai là, immobile, à fixer le lavabo pendant cinq minutes. Mon énervement ne s’en allait pas, il ne faiblissait pas d’un iota. Je tentai de respirer profondément, de me détendre, rien n’y fit. Impossible de me débarrasser de ces pulsions de rage, de ce besoin de me défouler sur quelque chose ou quelqu’un.

La sonnerie retentit, je soupirai. Je reculai d’un pas. Autant partir, des mecs allaient sûrement se pointer et je n’aurai plus la paix.

 

En revenant en classe, je constatai qu’un gars s’était assis sur ma table pour discuter avec une fille. Je fronçai les sourcils – je trouvais cela inacceptable.

 

-Tom, dis-je en interrompant leur conversation, tu es sur ma table. Tu pourrais bouger ?

 

Il me jeta un regard surpris (je n’adresse généralement pas la parole à mes camarades), mais ne bougea pas.

 

-Ça va, je te dérange pas, là. T’as qu’à t’asseoir sur ta chaise Cam.

 

Et il se tourna vers Lily, s’imaginant que l’incident était clos.

 

-Si, insistai-je, ce qui n’était pas du tout dans mes habitudes. Tu me déranges. Dégage.

 

Il fronça les sourcils.

 

-Oh ça va, calme-t…

 

Je le saisis à la gorge, il ne finit jamais sa phrase.

 

Lily cria, je l’ignorai. Tom n’osa pas bouger, j’avais planté mes doigts dans son cou pour l’agripper et le moindre de ses mouvements aurait pu arracher sa peau. Ma main formait une serre, je savais que je lui faisais mal, mais cette pensée était accessoire, secondaire. Tout ce qui comptait pour moi était qu’il m’obéisse. Qu’il comprenne que je lui étais supérieur, que sa misérable existence de mortel ne tenait qu’à mon caprice.

 

Il attrapa mes poignets pour me faire lâcher prise, je clignai des paupières. Qu’est-ce qui me prenait ? D’où me venaient ces pensées ?

 

Je le libérai de suite, interdit. Tom était furieux.

 

-T’es taré ! s’énerva-t-il. Putain, tu m’as fait mal !

 

-Désolé, murmurai-je d’une voix blanche. Je ne suis pas… dans un bon jour.

 

-Espèce de malade mental ! cracha-t-il en s’en allant.

 

Lily passa à côté de moi en me jetant un regard accusateur, je m’assis précipitamment. Je mis ma tête dans mes mains, n’y comprenant rien.

 

Heureusement que la prof était sortie pour prendre un café et qu’elle n’avait pas assisté à la scène.

 

 

À son réveil, Armelin me parut agité. Il nous salua du bout des lèvres, l’air renfrogné. Ma sœur (qui m’avait accompagné ce soir-là) ne se rendit compte de rien, mais je pouvais sentir l’irritation de notre ancêtre. Elle était presque palpable.

 

Cela me troubla plus que je ne saurais l’expliquer. Armelin était toujours d’une humeur neutre, il restait impassible en toutes circonstances, j’avais pu le constater par moi-même lorsqu’il avait tué trois hommes sans ciller. Qu’il puisse ressentir des émotions, et qu’en plus il soit dans le même état d’énervement dans lequel j’avais été toute la journée, me déstabilisait.

 

-J’ai fini, annonça-t-il en revenant après seulement deux heures. Il y en a trois ce coup-ci.

 

Mon aînée écarquilla les yeux. C’était la première fois qu’il en ramenait autant dans un laps de temps aussi court. Je me levai, observant le vampire en silence. Se pourrait-il qu’il se soit défoulé en tuant des gens pour évacuer sa colère ?

 

-Comment vas-tu aujourd’hui Armelin ? lui demandai-je d’un ton badin, guettant sa réaction.

 

Je vis son dos se crisper. Il se tourna vivement vers nous, ne retenant pas sa vitesse surnaturelle comme il avait l’habitude de le faire pour ne pas nous surprendre. Ma sœur eut un mouvement de recul.

 

-Qu’est-ce que ça peut bien te faire ? cracha-t-il.

 

-Je posais juste la question…

 

-Occupe-toi plutôt des cadavres, me coupa-t-il, excédé. Tu es là pour ça.

 

Il sortit d’un pas rageur, nous plantant là. J’étais pensif : c’était la première fois qu’il s’emportait ainsi contre moi.

 

-Depuis quand est-ce que tu essaies de taper la discuss’ avec lui ? chuchota furieusement mon aînée.

 

Je ne répondis pas, haussant juste les épaules. Elle leva les yeux au ciel.

Vacances!

Il n’y aura pas de publications sur ce blog pendant juin et juillet, les posts reprendront après les vacances d’été, au mois d’août, et il y aura plein de nouvelles fraîches!

Merci de votre fidélité et bonnes vacances à tous^^ Rendez-vous à la rentrée!

Emma

Under la cathé 7

-À qui le tour ce soir?

 

Je relevai la tête de mon vocabulaire d’allemand et surpris six regards remplis d’espoir posés sur moi. Je fronçai les sourcils.

 

-Quoi ? lâchai-je.

 

-Ben, commença ma sœur, perso je m’étais dit, vu que t’as pas de projets…

 

-Parce que vous en avez ? m’étonnai-je.

 

– Ta mère et moi avons prévu d’aller au cinéma, s’empressa de dire mon père. On a réservé les tickets sur internet.

 

Il aurait dit « pas moi !», que l’effet aurait été le même. Ma mère hocha la tête avec véhémence pour l’appuyer.

 

– Et moi j’ai des révisions pour l’uni, lâcha ma sœur.

 

-J’ai l’air de jouer à la Xbox ? m’agaçai-je en agitant mon livre de voc.

 

-Oui, mais j’ai loupé un cours et j’ai une tonne de lectures à rattraper.

 

Encore l’éternel conflit entre aîné et cadet. Peu importe la quantité de devoirs que j’avais à l’école, les siens étaient plus importants puisqu’elle était au gymnase. À présent que j’étais au gymnase, j’aurais pu espérer que mon travail égalerait plus ou au moins le sien -mais non. Apparemment l’université c’était bien plus énorme que mes misérables dissertations et autres TP de physique…

 

Je soupirai. Il ne restait plus que mon petit frère, mes grands-parents et ma pomme. Autrement dit, j’allais devoir m’y coller : mon cadet ne voyait Armelin qu’en présence de papa (parce qu’il était trop jeune pour sortir seul tard le soir) et quel petit-fils étais-je pour faire crapahuter deux soixantenaires dehors, par une froide nuit d’automne ?

 

-OK je m’en charge.

 

Leur soulagement fut presque tangible. Je me retins de lever les yeux au ciel, on aurait dit qu’ils avaient tous comploté pour me refiler la patate chaude. J’en eus vraiment marre cette fois-ci. J’étais fatigué, vermoulu et je n’avais vraiment aucune envie de passer toute la nuit dans les sous-sols de la cathé, assis sur une pierre glacée et poussiéreuse en attendant que mon ancêtre revienne les bras chargés de cadavres. C’était la première fois que cette tâche me paraissait vraiment être une corvée.

 

Je me levai et sortis sans les saluer.

 

Je montai dans ma chambre et vidai mon sac d’école sur mon lit. J’y mis ma lampe de poche, une bouteille d’eau et mon porte-monnaie puis ajoutai quelques chaufferettes et des gants au cas où il ferait plus froid que d’habitude. Je m’emmitouflai dans une grosse écharpe, mis un manteau et un bonnet et sortis en moins de temps qu’il ne faut pour dire « vampire « .

 

Je devais prendre deux bus pour rejoindre la cathédrale depuis chez moi. Dire que les autres jeunes de mon âge s’éclataient en ce moment même dans des boîtes où ils n’avaient pas le droit d’aller et moi je n’avais rien d’autre à faire un vendredi soir que de m’occuper d’un vieux parent au sang froid. Quelle barbe.

 

Je fermai les paupières et m’obligeai à arrêter de râler. Passer du temps avec Armelin était agréable, je lui avais toujours rendu service avec plaisir…

 

Le trajet se déroula dans le calme ; à part un fêtard et deux de ses potes qui me proposèrent de la vodka-Redbull tandis que j’attendais à un arrêt, je n’eus aucun ennui. En arrivant à la cathédrale, je sortis le double de la clé et m’introduisis par la porte de derrière. Je refermai derrière moi et longeai le bord jusqu’à la grille menant aux entrailles de l’édifice.

 

Une fois en bas, je me posai par terre et attendis.

 

Armelin ouvrit le couvercle de son cercueil et se redressa en position assise. Il me regarda longuement.

 

-Bonsoir Camille.

 

-Bonsoir Armelin.

 

Il se leva gracieusement et lissa les plis de sa manche. Il sortit de sa boîte en enjambant le bord et enfila ses chaussures vernies.

 

-Comment vas-tu? s’enquit-il.

 

-Bien, mentis-je.

 

Il boutonna son col.

 

-Vraiment? fit-il d’un ton sceptique. Sans vouloir te vexer, tu es pâle comme de la faïence et tu as de plus grands cernes que moi -pourtant, je suis mort.

 

Je me passai la main dans les cheveux, soupirant.

 

-Je dors mal ces derniers temps. J’ai l’impression de ne pas me reposer, pourtant je vais me coucher à 21 heures. Et je ne me lève pas tôt.

 

-Je vois. Je sais que le sommeil est très important pour les humains, vous avez besoin de vous reposer énormément. (Il décrocha son manteau du clou où il était suspendu et le tapota pour en ôter la poussière avant de l’enfiler.) Si tu le désires, tu peux occuper mon lit.

 

Il me l’avait déjà proposé il y a quelques mois. Mais bizarrement, autant sa proposition m’avait paru saugrenue à l’époque, autant elle me tentait à présent.

 

-Je ne sais pas si j’ose… Ça me gêne…

 

-Ne fais pas tant de manières. Si c’est son aspect qui te rebute, ferme les yeux et imagine-toi dans ton lit.

 

Mon cauchemar me revint en mémoire. Cette sensation d’étouffement, d’isolement et d’oppression me prit à la gorge, je portai instinctivement ma main à mon cou.

 

-D’accord, j’accepte. Mais enlève le couvercle, s’il-te-plaît.

 

Il me sembla que mon arrière-grand-oncle se retenait d’esquisser un sourire. Il acquiesça et s’accroupit pour ôter puis poser le couvercle de son cercueil contre le mur plus loin.

 

-Voilà. J’espère que tu y seras confortable. (Je m’avançai précautionneusement de la boîte, ayant tout de même quelques réserves.) Par contre, je te demanderai d’ôter tes chaussures avant d’y entrer…

 

-Je peux garder ma veste ? demandai-je. Il fait un peu froid pour rester en t-shirt.

 

-Oui. Je n’ai juste pas envie que l’intérieur se salisse. Ce satin est très difficile à ravoir, et ce n’est pas comme si je pouvais le faire nettoyer dans un pressing.

 

-D’accord, pas de soucis.

 

Je délaçai mes baskets et les enlevai l’une après l’autre pour entrer dans le cercueil. J’hésitai un instant puis m’assis dedans. Je n’avais jamais réalisé à quel point ce truc était étroit… Je ne pouvais pas bouger énormément les jambes, et j’imaginai qu’Armelin ne pouvait pas se tourner sur le côté une fois le couvercle refermé.

 

-Hé bien je te souhaite une bonne nuit, fit-il en boutonnant son manteau.

 

-À toi aussi.

 

Il sortit non sans m’adresser un bref hochement de tête au préalable. J’attendis une minute avant de m’allonger, soupirant.

 

Me voilà allongé dans le cercueil de mon grand-grand-grand-papy pour piquer un petit roupillon ! Ma soirée n’avait pas pris la tournure que j’imaginai.

 

 

 

-Camille?

 

Une main se posa doucement sur mon bras et me secoua gentiment.

 

-Camille. Il faut te réveiller, c’est bientôt l’aurore.

 

Je clignai des yeux et regardai autour de moi, un peu hagard. J’avais tenté de réviser un peu mon voc avant de dormir, mais finalement je m’étais assoupi sans apprendre un mot -mon cahier reposait d’ailleurs toujours sur ma poitrine.

 

-Hein ? Quoi ? Il est quelle heure ?

 

-Bientôt cinq heures et demi du matin. J’aimerais bien récupérer mon lit.

 

Je me redressai d’un coup, alarmé.

 

-Cinq heures et demi !? Je dois encore enterrer les corps ! Je n’aurai jamais le temps…

 

-Je m’en suis occupé, me coupa-t-il. Tu peux rentrer chez toi tranquillement, je les ai cachés.

 

-Je… Euh, quoi ?

 

-J’ai fait disparaître les corps.

 

-Quand ? Mais où ?

 

-Est-ce vraiment utile que tu le saches ?

 

Je haussai les épaules. Non, en réalité je m’en fichais. Mais d’habitude on ne procédait pas ainsi ; je me demandais pourquoi il m’avait épargné ce soir.

 

Je me levai lentement et enfilai mes chaussures. Il attendit que je les aie lacés et que j’aie rassemblé mes affaires pour me souhaiter une bonne journée.

 

-À bientôt, lui lançai-je en sortant.

 

-À bientôt. Camille (je me retournai pour sortir, mais il ajouta 🙂 Ménage-toi, d’accord.

 

J’acquiesçai après une seconde d’hésitation, et pris congé.