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Under la cathé 6

J’essayai de me retourner dans mon sommeil, mais mon épaule droite heurta une surface dure.

 

La vague douleur que je ressentis me fit froncer les sourcils, je levai la main pour sentir les contours de la chose m’ayant tirée du demi-sommeil dans lequel j’étais plongé. C’était plat. Et grand. Je ne trouvai pas les bords.

 

Je me résolus à ouvrir les yeux pour identifier l’origine de mon problème, mon instinct m’avertissant que cela pourrait s’avérer plus complexe que je ne le pensais. Je ne vis rien –évidemment, ma chambre était plongée dans l’obscurité – alors je battis des paupières, espérant percevoir quelque chose. Dans mon impatience, je relevai le genou, qui rencontra lui aussi une résistance.

 

Pris de panique, je remontai mes mains au-dessus de ma tête pour voir jusqu’où allait l’obstacle : il s’arrêtait à trois centimètres au-dessus de mon crâne. En réalité, j’étais piégé sur plusieurs côtés. Mon souffle s’accéléra lorsque je compris où je me trouvai…

 

Dans une boîte.

 

On m’avait enfermé dans un cercueil.

 

Le hurlement qui s’échappa de ma gorge fut purement instinctif.

 

 

 

– C’est cool qu’on puisse enfin se parler face à face !

 

Je hochai la tête en me demandant comment je m’étais organisé dernièrement pour finir ici. J’étais en face de la fille la plus cool de ma classe dans un Starbuck (un endroit que j’avais tendance à fuir comme la peste, principalement à cause de ses prix exorbitants) et elle m’avait carrément offert mon café. La situation était surréaliste, ça ne m’était jamais arrivé auparavant.

 

Tout en discutant avec cette fille je me demandai si je devais la présenter à Armelin. Elle pourrait lui servir de repas, ça semblait une bonne initiative ; mais je me ravisai, me traitant mentalement d’idiot. Ne jamais choisir une personne proche de la famille ! Si quelqu’un parvient à remonter jusqu’à nous, ça nous mettrait tous en danger. L’un de nous se retrouverait soupçonné, mieux valait que mon ancêtre chasse dans des milieux que nous ne fréquentions pas. D’ailleurs pour qui je me prenais de vouloir lui livrer Joanna ? On avait jamais procédé comme ça avant ! Il était assez grand pour choisir ses repas tout seul, il n’avait pas besoin de nous pour ça.

 

Je changeai de position sur ma chaise, vaguement agacé par ma propre bêtise. Autant sacrifier une jeune fille innocente ne m’émouvait pas, autant mes idées farfelues sortant de nulle part m’agaçaient. (Peut-être ces pensées macabres étaient-elles tout simplement dues à mon cauchemar de cette nuit ?)

 

– On aurait très bien boire un café en classe pendant une pause, remarquai-je d’un ton plat.

 

Peut-être que mademoiselle ne supporta pas le café à un franc du Selecta ? (C’est vrai quoi, les machines à café, c’est tellement pas mode !!)

 

– Oh non, s’exclama-t-elle, pas avec tous ces gens autour, avec ce bruit constent, ce brouhaha… (Elle but une gorgée de son café chargé de crème chantilly avec un grand sourire.) Ici c’est plus personnel, plus intime.

 

Heureusement que son attention se porta sur une pub collée sur le mur ou elle aurait vu mon expression horrifiée. Pardon ? Intime ? C’est quoi cette embrouille ?

 

– Parle-moi un peu de toi, continua-t-elle d’un ton guilleret.

 

– What ?

 

– De toi, de ta famille : par exemple, comment sont tes parents ?  Est-ce que tu as des frères et sœurs ? Des cousins, des cousines ?

 

Cette conversation était telle que je l’avais imaginée avant qu’elle ne débute : ennuyeuse. Je n’étais pas du tout d’humeur à faire des efforts.

 

– Mes parents sont comme tous les parents : relou.

 

Je sursautai lorsqu’elle éclata d’un rire hystérique et manquai renverser du capucino sur mon jean.

 

– Ha ha ha! Qu’est-ce que tu es drôle ! (Non, pas du tout, le verlan c’est passé de mode depuis 20 ans ! Qu’est-ce qui lui prenait ?) Moi, côté frangins, j’ai seulement une grande sœur. Et toi ?

 

– Ouais, moi aussi j’ai une grande soeur. Et un petit frère.

 

Elle sembla attendre que je poursuive -ce que je ne fis pas.

 

– Et c’est tout ? fit-elle d’un air déçu. Tu n’as pas de grand frère ?

 

– Non.

 

– Ou un cousin plus âgé qui vivrait ici?

 

– Nope.

 

Je ne voyais pas où elle voulait en venir. Je bus une autre gorgée de café et en profitais pour jeter un coup d’œil ostensible à l’écran de mon natel.

 

– Rholàlà ! Il est déjà si taaaard! dis-je d’un ton exagéré. Mes parents m’attendent à la maison pour monter un meuble en kit, je vais devoir y aller.

 

– Mais on vient à peine de s’installer ! s’exclama-t-elle.

 

Je me levai en enfilant ma veste, prenant mon air contrit le plus convaincant.

 

– Je sais, désolé. Mais ça fait des jours et des jours qu’ils me tannent pour ça. Les modes d’emploi leur donnent migraine.

 

Elle ne sembla pas dupe.

 

– Mouais… Tu aurais pu choisir un autre jour pour les aider pourtant.

 

Je haussai les épaules dans un geste qui signifiait que je n’y pouvais rien et sortis du café à grandes enjambées, slalomant entre les gymnasiens faisant la queue à l’entrée. Une fois dehors, dans le froid, je savourai mon macchiato l’esprit plus calme : (vous croyez quoi ? Je l’avais pris avec moi ! Au prix que ça coûte !)